Béchir Ben Yahmed : voici ce que m‘a dit Ben Ali sur les islamistes


14 Février 2016

Secrétaire d’Etat à l’information au début de l’indépendance, BBY est le fondateur en 1960 de Jeune Afrique dont il ne quittera la direction qu’en 2007 pour la céder à son fils Marwane, qui assure depuis le changement dans la continuité ! Après avoir longtemps défendu les islamistes, moyennant quelques bonnes affaires avec leurs financiers, d’abord en Iran ensuite dans les pays du Golfe, BBY s’en était détaché en attribuant sa prise de conscience à Ben Ali. C’est du moins ce qu’il a affirmé en 2010 dans sa longue interview accordée à son propre journal à l’occasion du 50ème anniversaire de sa fondation. En voici un extrait.


Béchir Ben Yahmed, fondateur et directeur de la rédaction de Jeune Afrique de 1960 à 2007.
Jeune Afrique: N’avez-vous pas sous-estimé la force montante des extrémistes islamiste et d’Al-Qaïda ?

Béchir Ben Yahmed: Oui, et le seul qui m’a corrigé là-dessus, c’est le président Ben Ali. Au début j’ai été sensible à leur combat. Avec leur petite internationale, je les ai tout de suite comparés aux communistes. Quand ils venaient me voir à Tunis ou à Paris, ils se déplaçaient toujours par deux, comme les communistes: l’un surveillait l’autre, témoignerait le cas échéant pour ou contre lui. Ils m’ont paru intègres et détachés de l’argent. Cela m’a impressionné, cela m’impressionne toujours.

Jeune Afrique: Et les gens d’Ennahdha?

Béchir Ben Yahmed : Oui, et en un beau jour, en 1990, leur chef, Rached El Ghannouchi, qui avait été interviewé par Hamid Barrada dans les locaux de Jeune Afrique, est venu me voir et m’a dit: «Je veux me réconcilier avec Ben Ali. Pouvez-vous m’aider à organiser ça?» À l’époque il été déjà en l’exil à Paris et à Londres. Il m’a séduit et j’ai accepté de faire quelque chose. J’ai téléphoné de Paris à Ben Ali. Je lui ai dit: «Ghannouchi me dit être prêt au dialogue, est-ce que vous acceptez de le voir?» Il m’a dit: «Je ne veux pas parler de ça au téléphone, venez me voir.» Ce que j’ai fait. Il m’a alors dit: «Si Béchir, vous-vous trompez complètement. Ghannouchi se présente comme un modéré, il veut vous faire croire qu’il est modéré. Mais, il n’y a pas d’islamiste modéré! Cela n’existe pas. Ou ils font semblant d’être modérés, et c’est de la duplicité, ou bien ils le sont, et alors ils se font éliminer.» Et il m’a ouvert les yeux. J’ai constaté par la suite qu’il avait raison sur ce plan. Ben Ali est un connaisseur, un vrai expert en matière d’islamisme.»

Archives de TS. Interview fleuve (13 pages) de Béchir Ben Yahmed à l’occasion du 50ème anniversaire de la revue dont il est le fondateur (Jeune Afrique N°2598-2599, datée du 24 octobre au 6 novembre 2010).