Ben Ali, seul chef d’Etat arabe à n’avoir pas collaboré avec la CIA dans la torture


13 Décembre 2014

La publication du rapport du Sénat américain sur les pratiques de la torture par la CIA risque de déranger beaucoup plus certains pays arabes, musulmans ou européens que le gouvernement Obama, qui s’en lave les mains. L’un des rares pays arabes à avoir refusé de collaborer avec la CIA, c’était la Tunisie… de Ben Ali !


Zine Al-Abidine Ben Ali représentant la Tunisie lorsqu'elle était encore souveraine. Derrière lui, Kamel Morjane, ministre des Affaires étrangères, et Abdelwahab Abdallah, conseiller spécial auprès du président.
 Selon le rapport de plus de 500 pages sur les «techniques d'interrogatoire poussées» -euphémisme désignant les actes de barbarie comme à la prison d’Abou Ghraib en Irak ou à Guantanamo- qui ont été utilisées par la CIA sur des sites secrets après le 11 Septembre 2001, la commission du renseignement du Sénat, dominée pour quelques semaines encore par les démocrates, replonge l'Agence centrale de renseignement dans la tourmente, en dévoilant au grand jour les détails du système de prisons secrètes mis en place à travers le monde entre la fin de l’année 2001 et 2007.

Ce rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par l'Agence Centrale américaine de renseignement (CIA), sous l'administration du criminel de guerre George W. Bush, indique que 14 pays arabes ou musulmans sont impliqués dans la pratique de la torture par différentes méthodes, les unes aussi barbares que les autres. Des pays qui ont servis de sous-traitant de la torture, les contraintes légales du système judiciaire américain empêchant la « première démocratie du monde » de pratiquer elle-même et sur son territoire la torture sur des prisonniers, fussent-ils des terroristes.

Les pays arabes ou musulmans complices de torture

Les pays arabes ou musulmans qui sont directement ou indirectement impliqués dans cette affaire d’Etat d’une gravité extrême sont le Maroc, le Qatar, le Yémen, l’Irak, la Jordanie, l’Egypte, la Libye, l’Algérie, la Mauritanie, les Emirats Arabes Unis, Djibouti, l’Arabie Saoudite, l’Afghanistan et la Turquie. Selon le rapport du Sénat américain, dans le Maghreb, seule la Tunisie avait refusé de collaborer avec la CIA dans la mise à exécution de son programme barbare. Au Moyen-Orient, le rapport cite le Soudan, la Syrie, le sultanat d’Oman et le Koweït, qui n’ont également pas assisté d’aucune manière les agents de la CIA.

Mais le degré d’implication des Etats arabo-musulman diffère d’un pays à l’autre. Il y a ainsi les pays qui ont ouvert des centres secrets de détention et de torture, comme le Maroc, l’Irak, le Qatar, l’Afghanistan et la Turquie. Et d’autres qui ont servis de pays de transit, ou qui ont ouvert leur espace aérien aux vols secrets de la CIA, comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Libye, la Mauritanie et la Jordanie.

Les pays européens complices de tortures

Il y aurait en tout 54 gouvernements qui ont contribué d'une façon ou d'une autre au vaste programme d'enlèvements et de tortures mis en place par « la première démocratie du monde », les Etats-Unis d’Amérique. Au sein de l’Union européenne, qui comptait au moment des faits 15 membres, seuls trois pays ont refusé leur concours à cette violation des droits de l’homme et du droit international : le Luxembourg, les Pays-Bas et la France sous la présidence de Jacques Chirac.

Là aussi, l’implication des pays cités diffère d’un pays à l’autre. La Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie… ont ouvert des prisons exclusivement réservées aux suppliciés de la CIA. D’après Le Figaro du 10 décembre 2014, « La Pologne, l'Afghanistan, la Thaïlande, la Roumanie, la Lituanie, entre autres, ont fait partie des États qui avaient accepté d'abriter ces «sites noirs», en échange d'un soutien politique, voire financier ».

L’Allemagne, l’Espagne, la Grèce, Chypre, le Portugal ou la Suède ( !) ont joué un rôle déterminant dans la traque et le transport des personnes qui ont été mises à l’index par la CIA. Curieusement, Israël n’est pas cité !  
   
Plus de 50 pays impliqués

Parmi ces 54 pays, l’on compte l’Albanie, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Espagne, Danemark, Suède, Grèce, Chypre, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Unis, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Pakistan, Bosnie-Herzégovine, Canada, Croatie, Géorgie, Islande, Indonésie, Lituanie, Macédoine, Malawi, Malaisie, République tchèque, Zimbabwe, Kenya, Afrique du Sud, Somalie, Ethiopie…
  
Selon un autre rapport d’une ONG américaine, les Etats-Unis n'ont enquêté que « de manière limitée » sur les mauvais traitements infligés aux détenus et n'ont engagé aucune poursuite pénale. L'Italie est le seul pays où un tribunal a condamné des responsables pour leur implication dans ces opérations, le Canada est le seul pays à avoir présenté des excuses à une victime, et à avoir comme l'Australie, la Suède et le Royaume-Uni, versé des indemnités de compensation.

Pour le criminel de guerre Dick Cheney, « ce ne sont que des conneries »

Vice-président des Etats-Unis au moment des faits accablants qui ont été révélé dans le rapport publié lundi 8 décembre 2014, relatifs à la pratique de la torture par la CIA, Dick Cheney s'est emporté, mercredi 10 décembre, sur la chaîne Fox News. « Je pense que ce rapport est déplorable. Il me semble très imparfait », a-t-il déclaré, reprochant aux auteurs du document de ne pas avoir « pris la peine d'interroger les personnes clés impliquées dans ce programme ». Interrogé sur différents faits de torture évoqués par le rapport, il a lancé : « Ce rapport est plein de conneries… ! »

A titre posthume, Ben Ali sauve l’honneur des Tunisien

Ben Ali était sans doute un despote non-éclairé qui a refusé l’ouverture démocratique au moment où elle était possible, souhaitable et sans risques majeurs pour la sécurité, la Souveraineté et la stabilité de la Tunisie. Entre 1990 et 1995, au moment du bras de fer entre le gouvernement et les islamistes, sa police a sans doute commis des atteintes graves aux droits de l’homme. L’ancien président avait sans doute laissé faire les Trabelsi, les Matéri, les Chiboub et les Mabrouk dans le pillage de la Tunisie. Sa police de la pensée a incontestablement porté atteinte à la liberté d’expression. Mais, contrairement à la nouvelle « élite » politique postrévolutionnaire, toutes tendances confondues, qui ne prend pas une demie-décision sans consulter le Proconsul américain Jacob Walles, Ben Ali n’était pas un traitre et encore moins un mercenaire soumis aux injonctions de l’administration américaine.

Et il l’a démontré plus d’une fois. Au moment de la première guerre du Golfe (1990- 1991), lorsqu'il s'est rangé du côté de l'Irak, contrairement à l'ensemble des autres pays arabes. Au moment de la seconde guerre du Golfe (2003), qui était en réalité une croisade impérialiste et colonialiste menée par l’Empire anglo-américain pour détruire l’Irak, procéder à sa partition et s’accaparer son pétrole. Lorsqu’il a enfreint au blocus imposé à la Libye. Lorsqu’il a refusé en 2008 d’abriter une base de l’Africom. Lorsqu’il a pris fait et cause pour un Etat palestinien indépendant...Et lorsque, à l’inverse de la majorité des chefs d’Etats arabes ou musulmans, il a dit non à toutes sous-traitances de la torture pour le compte de la CIA.

On peut comprendre maintenant pourquoi la Tunisie a été la première cible du « printemps arabe » et pourquoi la CIA et le Pentagone ont mené contre le général Zine Al-Abidine Ben Ali un coup d’Etat sécuritaire et militaire, un certain 14 janvier 2011. 

Nebil Ben Yahmed   

Articles presse anglophone :
http://www.huffingtonpost.com/2014/12/09/cia-torture-countries_n_6297832.html
http://www.middleeasteye.net/news/how-did-arab-states-involved-cia-torture-330269922
 

Comment la soldatesque américaine respectait les droits de l'homme dans la prison d'Abou Ghraib.

Les suppliciés de Guantanamo, traités comme des animaux par les instigateurs du "printemps arabe" au nom des droits de l'homme.