Bouteflika exige la stabilité en Tunisie et soutient le partage du pouvoir entre Ghannouchi et Béji


11 Septembre 2013

C’est à la demande de Rached Ghannouchi que le président algérien a reçu le chef des Frères musulmans tunisiens, mardi 10 septembre. Selon la presse algérienne, « cette visite inopinée » est une initiative de Ghannouchi venu « demander à Bouteflika d’intervenir pour la résolution de la crise entre les différentes parties en Tunisie, notamment avec la recrudescence des troubles sécuritaires et la libre circulation des terroristes dans les zones frontalières entre l’Algérie et la Tunisie… ». A priori, Ghannouchi ne cherche plus à déstabiliser l’Algérie au profit du FIS. Le mythe du printemps islamo-atlantiste s’est brisé à Damas et au Caire ! Et puis, les Américains semblent largement satisfaits par les concessions algériennes depuis deux ans. Le lendemain, c’est-à-dire aujourd’hui 11 septembre, c’était au tour de Béji Caïd Essebsi de se rendre à Alger en compagnie de son polytechnicien Nabil Karoui. Un accord a été trouvé et entériné : déloger Moncef Marzouki pour mettre à sa place Béji, jusqu’en 2014, et remplacer Ali Larayedh par un premier ministre consensuel dont le nom surprendra plus d’un ! Sur les tractations entre Ghannouchi et Béji, voici un article du très sérieux et très bien renseigné Maghreb Confidentiel, publié sous le titre de « Les dessous du ménage Ghannouchi-BCE ».


La multiplication des tête-à-tête secrets entre Béji Caïd Essebsi (BCE) et Rached Ghannouchi depuis leur entrevue parisienne du 15 août ne vise qu'à trouver un modus vivendi entre leurs partis respectifs, Nidaa Tounes et Ennahda. Pour y parvenir, les deux leaders sont prêts à mettre à l'écart le président Moncef Marzouki comme le premier ministre Ali Laârayedh.

Selon des sources concordantes à Tunis, les deux leaders politiques - qui se sont encore réunis en début de semaine dernière, puis le 30 août au domicile de BCE - discutent avant tout des modalités du parachutage de ce dernier au palais de Carthage en remplacement de Moncef Marzouki, jusqu'à l'organisation d'un scrutin présidentiel, vraisemblablement fin 2014. Cette manœuvre permettrait à BCE d'accéder à la fonction suprême sans devoir subir une campagne électorale, que sa santé chancelante et son grand âge rendraient difficile à assurer. Pour Rached Ghannouchi, cette manœuvre aurait l'avantage de neutraliser Nidaa Tounes en l'associant à la gestion du pays. Surtout, rien ne l'empêche de sacrifier Marzouki : son allié d'hier est critiqué jusqu'au sein de la troïka gouvernementale, tandis que sa formation (le CPR) n'a plus aucun poids.

Pour le reste, BCE et Rached Ghannouchi ont chacun fait des concessions. Le premier a renoncé à exiger la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC), à condition de lui imposer une date butoir pour l'achèvement du projet constitutionnel. Quant au leader islamiste, il a accepté le principe d'une démission du gouvernement - y compris du premier ministre Ali Laârayedh - pour le remplacer par une équipe apolitique. Le calendrier fait encore débat : Ennahda souhaite que l'exécutif travaille jusqu'à la fin du mois, tandis que Nidaa Tounes réclame qu'il démissionne le 15 septembre au plus tard.

Dans les faits, le choix d'un premier ministre neutre, compétent et pas trop âgé risque d'être ardu. Même une fois désigné, celui-ci aura du mal à constituer une équipe de technocrates : l'ex-premier ministre Hamadi Jebali s'y était déjà essayé, sans succès (MC nº1052). Ghannouchi et BCE devront, de plus, imposer ce gentleman's agreement aux franges les plus dures de leurs partis et à leurs alliés.

Capitales étrangères aux aguets

Les pourparlers entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi (BCE), ont eu lieu sous les applaudissements discrets de plusieurs chancelleries. L'ambassadeur américain à Tunis, Jacob Walles, avait rencontré les deux hommes séparément, le 12 août, pour les inciter à rapprocher leurs positions. Washington tente d'éviter que la Tunisie sombre dans un scénario à l'égyptienne. Selon nos informations, BCE s'est quant à lui entretenu à Paris, juste avant d'y recevoir son rival politique, avec le ministre saoudien des affaires étrangères Saoud Al-Fayçal, venu discuter de la crise syrienne avec son homologue Laurent Fabius. Ce dernier aurait lui aussi rencontré les deux leaders tunisiens. D'autres émissaires du Golfe ont rencontré BCE, de même qu'un envoyé du président algérien Abdelaziz Bouteflika. Très inquiet de la dégradation de la situation sécuritaire en Tunisie, Alger a intérêt à ce qu'Ennahda et Nidaa Tounes dépassent leurs clivages. Alger semble d'ailleurs avoir pris langue avec les nahdaouis, avec lesquels les relations sont pourtant fraîches : interviewé sur Nessma TV le 25 août, Ghannouchi a rendu un hommage appuyé à l'Algérie.

TunisieSecret - Maghreb Confidentiel