C’est sur ordre de cheikh Hamad que Rafik Bouchlakha s’est rendu à Gaza


19 Novembre 2012

Tunisie/Qatar : La visite de Rafik Bouchlakha à Gaza a été ordonnée par l’émir du Qatar. C’est du moins ce que nous a confirmé un dirigeant palestinien contacté à Ramallah. Deux mystérieux coups de téléphones expliqueraient la visite improvisée de Bouchlakha à Gaza.


C’est dans la matinée du 17 novembre 2012 que Rafik Bouchlakha, ministre des Affaires étrangères, s’est rendu à Gaza pour témoigner aux Palestiniens la solidarité du gouvernement provisoire tunisien. Selon nos informateurs au sein de ce ministère, dans l’après-midi du jeudi 15 novembre, Rafik Bouchlakha a reçu deux appels téléphoniques qui auraient un rapport avec  la décision prise à la hâte de se rendre au chevet des gazaouis martyrisés par l’aviation israélienne.
Le premier, de la ligne  anglaise de Rached Ghannouchi (00447966077062), et le second, à peine vingt minutes après, de l’ambassade du Qatar à Tunis (71231602).

Bouchlakha s’énerve et Marzouki s’incline

La première chaine de télévision à annoncer cette visite « historique » a été évidemment Al-Jazeera, la télévision de propagande islamo-sioniste où Rafik Bouchlakha faisait office de directeur avant que la « révolution du jasmin » fasse de ce gendre de Rached Ghannouchi le chef de la diplomatie tunisienne. L’information a été confirmée par le palestinien Khaled Batch, l’un des dirigeants du Djihad islamique à Gaza. Interrogé par la radio ChemsFM (voir enregistrement sonore), Rafik Bouchlakha s’est indigné que des journalistes tunisiens aillent chercher  des informations à Gaza, avant de raccrocher le téléphone au nez du journaliste de ChemsFM. Peu de temps après, un communiqué de la présidence de la république annonçait qu’ «Une délégation officielle de haut niveau présidée par le ministre des Affaires étrangères et en présence du directeur de cabinet de la présidence sera envoyée demain (samedi) à Gaza ». Le lendemain samedi, Rafik Bouchlakha bravait courageusement l'aviation israélienne en compagnie d'une délégation tunisienne qui a impressionnée l'Etat hebreu. 

 Une diplomatie aux ordres du Qatar

Cette très courte visite de « grande » solidarité avec les Palestiniens de Gaza a été précédée d’une autre visite pas moins « historique » : celle du premier ministre égyptien Hicham Qandil, le vendredi 16 novembre. Simple coïncidence ou action concertée et décidée par le « grand défenseur » de la cause palestinienne, Hamad Ibn Khalifa Al-Thani ? Un proche de Mahmoud Abbas, que nous avons contacté, nous a assuré que c’est cheikh Hamad « qui tire les ficelles ». De cette ingérence directe dans les affaires tunisiennes et égyptiennes, l’émir du Qatar ne s’en cachait d’ailleurs pas.  Il y a quelques semaines, il confiait à l’un de ses visiteurs et ami palestinien que « Moncef Marzouki et Mohamed Morsi ne font rien sans ma permission » (voir notre article du 3 novembre dernier). De même que cheikh Hamad ne fait rien sans la permission de Benyamin Netanyahu.

Dès son retour à Tunis, la délégation tunisienne « de haut niveau » a triomphalement affirmé que cette visite « est un premier pas vers une une levée du blocus imposé par les forces israéliennes aux palestiniens de la bande de Gaza ». Lors d’une conférence de presse tenue dimanche soir à l’aéroport de Tunis-Carthage, Samir Dilou, l’ancien membre de Freedom House, aujourd’hui ministre des Droits de l’homme et de la justice transnationale, a déclaré que « La visite de la délégation tunisienne à Gaza est venue affirmer  que les révolutions du printemps arabe ont fait que la cause palestinienne est désormais celle de l'ensemble de la Nation arabe ». De son côté, le ministre des Affaires sociales, Khélil Zaouia, a surenchéri sur « la dimension politique de cette visite » en précisant que « la décision des autorités tunisiennes et égyptiennes de dépêcher des délégations officielles dans la bande de Gaza constitue un changement dans la position des gouvernements arabes dans le traitement de la question palestinienne». En effet, il s’agit d’un grand changement, et quel changement !  

Les objectifs du « printemps arabe » se précisent

Par-delà les effets d’annonce et la propagande pro-palestinienne, que se passe t-il à Gaza et que cache réellement aussi bien l’offensive militaire israélienne que « l’offensive » diplomatique tuniso-égypto-qatarie ? Sur le plan local (palestinien), elle prépare l’opinion à accepter le Hamas, l’organisation qui résiste « héroïquement » à « l’entité sioniste », comme l’unique interlocuteur et représentant légitime du peuple palestinien, aux dépens du Fatah, l’organisation qui a « trahi » la cause palestinienne en s’engageant dans des négociations interminables avec Israël.

Sur le plan régional, elle annonce la guerre préventive d’Israël contre le Hezbollah, ensuite la bataille décisive contre l’Iran. Les stratèges israélo-américains savent que c’est le moment ou jamais d’accomplir les objectifs suprêmes du « printemps arabe ». L’Egypte étant marginalisée et la Syrie étant neutralisée par une guerre civile qui va durer un bon moment, les israéliens et leurs alliés occidentaux peuvent faire sauter le dernier verrou qui se dresse contre le projet de Grand Israël, à savoir l’Iran. Les armées passent à l’action lorsque les axes stratégiques sont opérationnels. Or, l’axe (chiite) Téhéran, Damas, Beyrouth n’est plus aussi dissuasif qu’auparavant, compte tenu de la situation syrienne. Inversement, l’axe (sunnite) Ankara, Doha, Ryad, Le Caire, Tripoli, Tunis, est plus que jamais compact et solidaire.

Les objectifs géopolitiques du « printemps arabe » qui a démarré en Tunisie prennent forme, en même temps que s’explique le soutien « philanthropique » et « humanitaire » d’Hillary Clinton, de Joseph Lieberman, de John McCaïn, de Georges Soros et de Bernard-Henri Lévy aux révolutionnaires arabes !

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Karim Zemerli