De l’alliance islamo-sioniste, par Mezri Haddad


7 Aout 2014

Revirement d’Israël à l’égard du Qatar : réalité ou simulation ? Dans les deux cas, on ne participera pas à cette campagne médiatique et diplomatique que le gouvernement israélien a décidé de mener contre le Qatar pour son « soutien » supposé à la cause palestinienne. Ceux qui nous ont récemment approchés pour « taper sur le Qatar » et qui se reconnaitront, se trompent de personnes et de causes. Les arabes de service, les musulmans de service et les imams de service ne manquent pas en France ! Après la cause tunisienne, la question palestinienne reste pour nous sacrée.


Sans en tirer la moindre gloire, nul n'a autant que moi attaqué et critiqué le Qatar et sa chaine de propagande Al-Jazeera pour le rôle ignoble qu'ils ont joué dans la déstabilisation de la Tunisie et la destruction de la Libye, de la Syrie et auparavant de l’Irak. Seul contre tous, j'ai mené ce combat dès janvier 2011, au moment où toute l’intelligentsia française glorifiait et sanctifiait le « printemps arabe » et que la plupart de mes compatriotes étaient encore dans l'hystérie pseudo-révolutionnaire dont on mesure à présent les conséquences sociales, économiques et sécuritaires, outre les effets géopolitiques dévastateurs sur l’ensemble des pays arabes.

Avec pour seules armes ma plume et ma voix, j’ai mené ce combat de la vérité contre le mensonge, de l’information contre la désinformation, du patriotisme contre la traîtrise, de l’arabisme contre l’islamo-atlantisme, de la liberté contre le néocolonialisme, pour réveiller les consciences et galvaniser la résistance contre cette nouvelle conspiration ourdie par certaines puissances visibles et occultes pour détruire les Etats en tant que réalité nationale et politique, et anéantir l’Islam en tant que civilisation et religion.

Le temps de la synchronie entre Qaradaoui et Joe Lieberman est révolu

Dans cette conspiration dont les printologues veulent relativiser ou disqualifier l’irréductible réalité par la seule évocation de « la théorie du complot », comme si l’histoire des Etats et des relations internationales n’étaient pas l’histoire d’une succession de complots, le Qatar a incontestablement joué le rôle de mercenaire. Un obéissant et vil mercenaire des Etats-Unis, d’Israël, de la Grande Bretagne et de la France.

C’est principalement en raison de ce rôle infâme contre l’arabité et contre l’islamité, que je me suis opposé à cette oligarchie bédouine qui ne s’appelait plus pour moi Qatar mais Qatraël. Et en lançant ce concept aujourd’hui largement employé, c’était bien l’alliance islamo-sioniste que je désignais. C’est l’entente implicite et hautement « philosophique » entre un Bernard Henri-Lévy et un Tariq Ramadan, solidaires dans la diabolisation frénétique de Kadhafi et de Bachar el-Assad, que je pointais ; c’est la synchronie parfaite entre Qaradaoui et Joe Lieberman que je dénonçais ; c’est le pacte entre Obama, Netanyahou, Sarkozy, Hamad et Erdogan, tous coalisés contre la Syrie et son peuple héroïque, que je stigmatisais…

Ce discours de la vérité contre le mensonge n’était pas apprécié par certaines chancelleries et certaines officines. Il m’a valu les pires tracasseries et les plus lâches et cruelles vengeances sur lesquelles je ne m’étalerai pas ici. Le procès qui m’a été intenté par Al-Jazeera et que j’ai dû affronter seul, sans l’aide d’aucune personne, d’aucune organisation et d’aucun pays, n’en était que la partie visible de l’iceberg. Il y a eu bien d’autres coups bas pour m’intimider.

Changement israélien dans la continuité qatarienne !

Les temps ont bien changé depuis ! Ceux en France, qui roulaient pour Qatraël ne se gênent plus pour le désigner comme étant le pays qui soutient le terrorisme islamiste. Ceux qui ne rataient pas une seule réception de sa sous-excellence l’ambassadeur du Qatar à Paris ne se privent plus pour dénoncer l’activisme islamiste et terroriste de cette oligarchie bédouine. Il s’agit de journalistes, d’intellectuels, d’hommes politiques de droite comme de gauche. Le Qatar était politiquement encensé et médiatiquement protégé tant que son activisme semait l’anarchie en Tunisie et en Egypte, le chaos et les massacres barbares en Irak et en Syrie. Mais dès lors que les hordes criminelles, gendarmées par certains pays arabes et financées par le Qatar pour semer la mort en Syrie, ont amorcé leur reflux vers leurs pays d’origine, notamment au Maghreb et en Europe, le Qatar et de plus en plus la Turquie, sont devenu des cibles médiatiques et politiques.

Ni le rôle moteur que le Qatar a joué dans le chimérique et néanmoins tragique « printemps arabe », ni les menées subversives en Afrique de cette oligarchie à la fois wahhabite et Frères musulmans, ni ses compromissions avec Al-Qaïda et ses nombreuses métastases terroristes depuis trois ans, n’ont amené certains pays occidentaux à prendre leur distance avec l’émirat gazier. Trop d’intérêts en péril, beaucoup de compromissions et de corruptions en jeu !

Alors, pourquoi donc ce revirement aujourd’hui ? A priori, en raison du « soutien » du Qatar aux habitants martyrisés de Gaza. Le traitement médiatique qu’Al-Jazeera a réservé aux crimes quotidiens de Tsahal contre une population innocente des provocations tout aussi criminelles du Hamas, semble avoir indisposé le gouvernement israélien. Fait rare, pour ne pas dire inédit dans les relations fraternelles entre l’émirat wahhabite et l’Etat sioniste, c’est Shimon Peres en personne qui a accusé la semaine dernière le Qatar « d’aider le Hamas à transformer Gaza en un centre de la mort ». Benyamin Netanyahou, qui aurait reçu du Qatar 3 millions de dollars pour sa campagne électorale, a lui aussi murmuré quelque chose dans le même sens.

En France, et en synchronie avec ces propos inaccoutumés, c’est le président du CRIF, Roger Cukierman, dans l’émission « C’est dans l’air » du 21 juillet 2014, qui s’est lancé dans une diatribe contre le Qatar. Commentant les manifestations propalestiniennes en France, il a déclaré que le Qatar avait « investi dans les banlieues et que le résultat s’exprimait à travers les casseurs en marge des manifestations comme à Barbés ou Sarcelles ». Son prédécesseur, Richard Prasquier, n’aurait pas fait preuve d’une telle « audace », il est vrai parfaitement compatible avec le conjoncturel désamour d’Israël à l’égard du Qatar !

La sacro-sainte alliance islamo-sioniste

Par-delà les discours réprobateurs, le pacte israélo-qatari, qui remonte à 1996, ne sera jamais remis en cause. Précisément parce qu’il incarne la sacro-sainte alliance islamo-sioniste à la longévité de laquelle veillent Washington et Londres. Qatraël est une pièce maitresse du dispositif géopolitique anglo-américain dans la région. C’est pourquoi, la polémique entre Israël et le Qatar n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Bien conseillée par des communicants et des stratèges britanniques et américains, Al-Jazeera sait très bien ce qu’il faut dire et ce qu’il ne faut pas dire au sujet de la Palestine et plus exactement de Gaza. Ces professionnels de la propagande et de la désinformation ne prennent jamais de risques non calculés. En prenant cinématographiquement fait et cause pour Gaza, les artistes d’Al-Jazeera veulent reconquérir une audience perdue auprès des téléspectateurs arabes qui ont fini par découvrir le véritable visage de cette télévision islamo-sioniste. Revenus de leur anesthésie et de leur léthargie, les Arabes gardent en mémoire l’appel au meurtre de Qaradaoui contre Kadhafi, comme ils se souviendront longtemps des appels au djihad en Syrie de ce grand mufti de l’OTAN. Dans cette croisade barbare contre le peuple syrien, Israël, le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie étaient des alliés indéfectibles. Ils le sont encore aujourd’hui.

Outre la reconquête des téléspectateurs sur lesquels Al-Jazeera n’avait pas de pouvoir médiatique mais hypnotique, les qatariens cherchent à remettre en scelle et au devant de la scène régionale et internationale leurs sbires du Hamas, dont la direction a été elle aussi discrédité par ses turpitudes et trahisons à l’égard de la cause arabe et plus particulièrement de l’Egypte et de la Syrie. Méprisé par le véritable axe de la résistance, honni et banni par l’opinion arabe, le Hamas n’avait plus d’autres choix que de sacrifier quelques centaines de pauvres gazaouis.

Le « quota » israélien est atteint !

Maintenant que le gouvernement israélien a prélevé son « quota » habituel et tolérable par la communauté internationale -2000 morts en un mois- les dirigeants du Hamas peuvent crier « victoire » et bomber le torse devant la direction du Fatah, sur laquelle ils jettent l’infâme accusation de collaboration. Isolé et marginalisé après le retournement de situation en Egypte et l’éclipse des Frères musulmans dans ce pays, le Hamas se repositionne aujourd’hui dans la posture du mouvement qui tient tête à Israël et qui peut même lui infliger quelques dégâts, y compris des pertes humaines (3 civils et 64 soldats). Quant aux centaines d’enfants impitoyablement massacrés et pourchassés jusqu’à l’intérieur d’écoles gérées et « protégées » par l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), le gouvernement israélien s’en fout comme d’une guigne, et le Hamas se dédouane de toute culpabilité. Ces enfants ne sont-ils pas mieux lotis dans le paradis d’Allah qu’au sein de leurs familles, soumises à un embargo arbitraire et contraire au droit international !

Manifestement, pour certains israéliens, la vie d’un juif vaut celle de 1000 musulmans. On l’a vu à Gaza, lors de l’opération « Plomb durci » de 2008-2009, qui a fait 700 morts en 12 jours et 1300 morts en seulement 22 jours. J’avais été à l’époque l’un des rares intellectuels arabes à condamner, publiquement et dans la presse française, un tel carnage, non sans dénoncer la responsabilité criminelle du Hamas de l’avoir provoqué, en faisant fi du déséquilibre vertigineux des forces et sans le moindre égard vis-à-vis des centaines de victimes palestiniennes, pour la plupart des civils, utilisés comme boucliers humains par les uns (Hamas) et considérés comme victimes collatérales par les autres (Tsahal).
    
Si la vie d’un juif vaut celles de 1000 musulmans, peut-on le leur en vouloir, alors que pour un musulman, la vie de son coreligionnaire ou de son compatriote ne vaut pas plus chère que celle d’un chien ? On l’a vu précisément à Gaza en 2009, lorsque les chefs du Hamas, planqués dans leurs hôtels cinq étoiles à Doha (Ismaël Haniyeh) et à Damas (khaled Mechaal), ont inutilement provoqué la colère du Léviathan, en envoyant sur Israël quelques roquettes artisanales, non point pour atteindre des cibles militaires, mais pour torpiller un processus de paix entre l’Etat colonisateur et l’OLP, un processus déjà bien mal-en-point depuis l’euphorie de Madrid en 1991. Déjà du vivant d’Arafat, les sicaires du Hamas, appuyés par leurs frères en secte, Erdogan et Hamad, ont tout tenté pour faire du chef historique de la résistance palestinienne un « traitre », et de leurs sinistres personnes, les glorieux soldats d’Allah, plus que de la cause palestinienne dont ils se gargarisent. 

Le plan Sykes-Picot2 a échoué 
    

On l’a surtout vu en Syrie depuis 2011, où des milliers de « bons » musulmans, venus des quatre coins du monde, ont afflué vers cette terre jadis et naguère paisible pour massacrer et égorger leurs « frères » Syriens, répondant ainsi à l’appel au djihad, qui a été simultanément lancé par le mufti de l’OTAN, Youssef Qaradaoui, et par « l’ennemi » de l’OTAN, Ayman al-Zaouahiri ! Près de 180000 morts en seulement trois ans. Beaucoup, probablement tombés à la suite des bombardements de l’aviation syrienne ; autant de morts civils dont la canaille islamo-fascistes se servaient, là aussi, comme boucliers humains.

Dans la stratégie américaine, le « printemps arabe » ne devait pas seulement anéantir les capacités défensives de l’Egypte, de la Syrie et de l’Irak, un Etat neutralisé et détruit depuis déjà 2003. Il devait aussi régler définitivement la question palestinienne par un Sykes-Picot2 : satellisation ou partition des pays dits du « printemps arabe », intégration d’une partie du Sinaï à la bande de Gaza pour constituer le futur Etat palestinien et résoudre à la fois le problème de la concentration démographique (1,8 millions à Gaza) et la question de la diaspora palestinienne (près de 6 millions en exil). Un plan machiavélique qui arrangeait les Frères musulmans d’Egypte, les Frères sionistes d’Israël, les Frères maçons de Washington et de Londres, les Frères wahhabites du Qatar et, bien évidemment, la canaille islamiste du Hamas. Un plan qui aurait fait de Barack Hussein Obama le plus grand président de l’histoire, puisqu’il aurait réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué depuis 1948. Mais deux impondérables ont échappé à la sagacité américaine : la résistance héroïque du peuple syrien et le sursaut patriotique du peuple égyptien.

C’est par la même conclusion que mon article « Gaza : la trahison des clercs », publié dans Le Monde du 12 janvier 2009, que je terminerai cette tribune. Je citais alors l’illustre Raymond Aron, selon lequel « Israël a toujours gagné les guerres et perdu les paix », et je concluais : « Il ne s'est pas trompé : avec celui qui lui a assuré tant de guerres, Itzhak Rabin, Israël a failli gagner la paix. On l'a assassiné et avec sa disparition, l'espoir d'une paix durable s'est évaporé. Mais tôt ou tard, lorsque les armes vont se taire et que cessera de couler le sang des Palestiniens, avec ou contre la volonté de Dieu, le destin du peuple hébreu croisera à nouveau la volonté d'un prophète ».

Mezri Haddad