En Tunisie, les « élus du peuple » se gavent, s’achètent et se vendent aux plus offrants


20 Novembre 2013

Le tarif conventionnel est entre 5000 et 20000 dinars. Certaines transactions d'élus nomades peuvent même atteindre les 100000 dinars, selon un "représentant du peuple" qui parle en connaissance de cause! Au mépris de ceux qui les ont portés à l’ANC, ils changent de parti comme ils changent de culotte. Ils ne représentent pas ce qu’il y a de meilleur chez le peuple tunisien mais ce qu’il y a de pire. Près de 80% de ces « élus », toutes tendances confondues, sont des corrompus et s’en mettent plein les poches depuis le 23 octobre 2011. Certains ont été dénoncés, d’autres sont inconnus. Et c’est pour cette raison qu’ils refusent tous la dissolution de l’ANC, la vache à lait.


Contrairement au dernier communiqué de l’Assemblée nationale constituante, rendu public le 18 novembre 2013 et signé par son président provisoire, le « socialiste » Mustapha Ben Jaafar, le salaire mensuel des membres de l’ANC n’est pas de 2340 dinars, mais de 3470 dinars toutes primes comprises (essence, frais d’hôtel, déplacements à l’intérieur du pays et à l’étrangers…), ainsi que d’autres avantages afférents à la fonction.

Selon le même communiqué, Mustapha Ben Jaafar toucherait 4881 dinars et la vice présidente de cette auberge espagnole, 2725 dinars. Mensonge éhonté. D’après le Journal Officiel de la République Tunisienne, en date du 11 septembre 2012, le salaire brut mensuel imposable de Mustapha Ben Jaafar est de 8050 dinars, comprenant « un salaire de base de 4390, une indemnité de 2660 dinars, 1000 dinars d’avantages en nature ».  Le JORT omet de mentionner les 650 dinars à titre de prime de logement, puisque Mustapha Ben Jaafar a choisi de rester dans son domicile à Gammarth. Son salaire mensuel est donc de 8700 dinars.

Quant au salaire de Meherzia Laabidi, il s’élève à 7464,600 dinars, outre les 720 dinars de primes diverses. C’est écrit noir sur blanc dans un arrêté du président de l’Assemblée Constituante, Mustapha Ben Jaâfar, en date du 21 juillet 2012 et publié au Journal Officiel de la République Tunisienne (Jort) du 3 août 2012. Nous ne savons toujours pas si une partie de ce salaire mensuel, ou la totalité, lui est versée en euros en France. A noter que les indemnités des « élus » des circonscriptions étrangères, selon un deuxième arrêté datant du 21 juillet 2012, prévoit un montant mensuel brut de 7000 dinars versés en devises (3500 euros). Ils touchent donc le double du salaire mensuel de leurs collègues locaux, à savoir 3470 dinars.

On rappellera que le 3 juin 2012, Mustapha Ben Jaafar a déclaré que « Les salaires des députés sont insignifiants, par rapport aux efforts considérables qu'ils sont en train de fournir ». C'était lors d'un entretien télévisé, dimanche 03 juin, diffusé sur trois chaines : Al Wataniya 1, Hannibal TV et Nessma TV. Il réagissait à la déclaration de Hamadi Jebali, qui avait fait part de son refus de signer toute augmentation. Mustapha Ben Jaafar avait estimé alors que « le gouvernement ne doit pas s'immiscer dans les décisions prises à l'ANC, au sujet des augmentations », et que « les élus accomplissent des missions aussi importantes que celles accomplies par les gouverneurs, délégués, directeurs généraux des établissements publics... ». Cette polémique a été suscitée par la note adressée, en mai 2012, par Mustapha Ben Jaafar au ministère des Finances, indiquant que le salaire des « élus » doit passer de 2300 dinars à 4800 dinars. Le Tribunal administratif avait alors suspendu cette demande d’augmentation, à la suite d’une plainte qui a été déposée par Néji Baccouche, un expert en droit public et fiscal, qui a considéré la note de Ben Jaafar comme « une violation des lois spéciales car la situation financière du pays ne le permet pas ». Total et conclusion, le Tribunal administratif a suspendu cette demande d’augmentation mais ne l’a pas annulée. En août 2012, elle est passée en catimini portant le salaire des « élus » de 2300 dinars à 3470 dinars. Le seul effort consenti par les élus rapaces et leur président a donc été de 1330 dinars, puisqu’à l’origine, ils devaient percevoir 4800 dinars. Les 217 "élus du peuple" sont tous complices de cet abus de pouvoir à caractère quasiment mafieux, puisqu'à l'enrichissement personnel s'ajoute l'omerta.   

Mais ce n’est pas cela le plus grave. D’autres « élus » du peuple ne sont pas rassasiés. Les 3470 dinars par mois ne leur suffisent pas. Dans son édition du 12 avril 2013, African Manager ironisait sur « La bourse des députés (qui) semble florissante alors que le nomadisme parlementaire prend les allures d’une activité très lucrative. Les députés-transfuges ne sont plus monnaie rare... ». Et à African Manager de citer un « élu » d’Al Aridha, Skandar Bouallègue qui intervenait, jeudi soir, à l’émission « Attasiaa Massaa » , sur Ettounsya tv : « il faut payer entre 30 et 100 mille dinars pour débaucher un député de son parti et le recycler sous les couleurs d’un autre », ajoutant qu’il a été approché par nombre de formations politiques pour l’amener à quitter Al Aridha et rejoindre leurs rangs respectifs, en lui proposant des sommes allant jusqu’à 100 mille dinars.
 
Nous allons prendre le cas de huit « élus » migrateurs, qui passent d’un parti à l’autre, moyennant avantages et argent. L’affaire a été révélée par Bahri Jelassi, le président du « Parti de l’ouverture et de la fidélité », un affairiste véreux dont le programme se résume à la légalisation de la polygamie, voire même de la pédophilie Halal. Lors d’une émission de télévision, il a déclaré, document à l’appui, avoir acheté un certain nombre « d’élus » qui étaient dans le parti de Hechmi Hamdi, « Al Aridha Chaabia ».

Il s’agit de Hassan Badri (« élus » de Sidi Bouzid), Jalel Farhat (Mahdia), Tarek Bouaziz (Nabeul 1), Moncef Cherni (Nabeul 2), Chokri Arfaoui (Siliana), Romdhane Doghmani (Kairouan), Sâad Bouyiche (Tataouine), Skander Bouallague. Hassan Badri a perçu 17000 dinars et une voiture. Jalel Farhat, 6000 dinars et 8000 autres pour caution de voiture de location non payée. Tarek Bouaziz, 10000 dinars, ainsi qu’une voiture et un bureau. Chokri Arfaoui, 5000 dinars, ainsi qu’une voiture. Romdhane Doghmani, 17000 dinars et une voiture…

Bahri Jelassi les a dénoncé parce qu’au bout de quelques mois, ils l’ont quitté pour une meilleur offre. D'où leur surnom « d’élus migrateur ». Invité du journaliste Naoufel Ouertani dans son émission Midi Show sur Mosaïque FM, ce 19 novembre, Bahri Jelassi a souligné que ces « élus » se sont « vendus au plus offrant », et qu’il leur a, « uniquement, fourni des outils de travail, notamment, des bureaux équipés, des voitures avec chauffeurs et des sommes d’argent ». Evitant de reconnaître qu’il a donc versé des pots-de-vin, ce qui est passible de prison, Bahri Jelassi a fini par perdre son sang froid en disant : « après tout c’est mon argent, je suis libre d’en faire ce que je veux et de le dépenser comme je l’entends ! ». On ne peut être plus clair. Brahim Kassas, le chauffeur de louage devenu premier clown du Circus parlementaire, a au moins le mérite d'avoir rejoint Nidaa Tounes pour des raisons autres que pécuniaires. C'est du moins ce qu'il a affirmé, malgré une rumeur insistante faisant état d'un salaire mensuel qui lui aurait été attribué par Nidaa Tounes, qu'il a d'ailleurs quitté depuis peu pour créer sa propre "entreprise" politique! Quant à Bahri Jelassi, la réaction des islamistes ne s'est pas faite attendre: un groupe de "députés" d'Ennahda a effectivement déposé plainte contre lui pour diffamation et calomnie. On ne plaisante pas avec l'honneur et le prestige de l'ANC et de ses "élus" corrompus et usurpateurs.    

La conclusion de cette affaire scandaleuse, nous la laissons au professeur de droit constitutionnel, Kaïs Saïd, qui l’a qualifié de « tourisme politique », ajoutant que « les constitutions ne doivent pas être rédigées par des députés qu’on achète avec une bouteille de vin et de l’argent suspect ». Chassez le naturel et il revient au galop. Ainsi va la Tunisie après la fumisterie de la révolution du jasmin : des terroristes devenus ministres, des incultes devenus gouverneurs et directeurs, des voyous et des brigands devenus députés, chargés de préparer pour les Tunisiens la constitution du XXIème siècle.TunisieSecret

Karim Zmerli