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Gracier Sami Fehri : Marzouki dit oui et Bhiri n'est pas d'accord


13 Janvier 2013

L'affaire Fehri est un dilemme pour Marzouki. Maintenu en prison malgré une décision de justice qui ordonnait sa libération, Sami Fehri fait partie des prisonniers politiques dont se sert le gouvernement actuel par populisme et démagogie. L’affaire est montée de toute pièce et elle recèle des enjeux politiques et financiers dont le détenu et sa famille payent les frais.


C’est sous couvert de « justice transitionnelle » que Sami Fehri, brillant animateur et producteur de télévision, a été arrêté et jeté en prison, comme beaucoup d’autres avant et après lui. C’est en août 2012 qu’il s’est lui-même rendu à la justice après avoir enregistré une vidéo qui a été émouvante pour beaucoup de tunisiens. Sami Fehri y a exposé son affaire, plaidé son innocence avant d’annoncer qu’il allait tout de suite après se rendre à la prison en faisant confiance à la justice de son pays puisqu’il n’a rien à se reprocher.

Depuis, ce père de famille moisit en prison dans des conditions encore plus inhumaines et dégradantes que sous l’ancien régime. Désespéré, il a entamé une grève de la faim qui a laissé des séquelles sur une santé déjà fragilisée. Des personnalités politiques et plusieurs acteurs de la société civile se sont mobilisés pour exiger sa libération. Un comité européen pour la libération de Sami Fehri s’est même constitué en Europe –comité auquel Tunisie-Secret s’est jointe  (Sami El Fehri : Campagne européenne pour sa libération ) pour faire pression sur le gouvernement tunisien de tenir ses engagements en matière d’indépendance de la justice et de respect des droits de l’homme. Rien n’y fit. Les voyous qui ont fait main basse sur la Tunisie continuent à faire l’oreille sourde au prix d’une réputation tunisienne très largement ternie dans le monde après la bulle médiatique de la « révolution du jasmin ».

 Grâce à une action d’Anonymous, l’opinion tunisienne a découvert l’iniquité et la duplicité de la justice tunisienne, plus exactement de son ministre Noureddine Bhiri, l’ancien agent de Freedom House. Anonymous avait en effet piraté la messagerie de ce ministre et rendu public l’un de ses mails adressé, le 27 décembre 2012, à ses amis islamistes, notamment Adel Hamzaoui, Houcine Jaziri, Ali Larayedh, Rached Ghannouchi, Saïdi Jendoubi, Abdelfattah Mourou…Il leur disait ceci : « Je viens vous présenter des précisions au sujet de l’affaire Sami Fehri. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une campagne médiatique qui vise à infléchir la décision de maintenir Sami Fehri en prison pour corruption et appropriation d’argent public. Je vous demande, au niveau de vos communications médiatiques, de mettre l’accent sur le fait que l’accusé a détourné 20 millions de dinars et qu’il était l’un des principaux associés de Belhassen Trabelsi… ».

Autrement dit, ce ministre qui est beaucoup plus dans le conseil en propagande que dans la direction du ministère de la Justice, invite ses frères en secte à tenir le même discours et les mêmes arguments qui plaisent à une certaine populace avide de sang, de haine et de vengeance. Ce mail a été envoyé au moment même où des tunisiens honnêtes et civilisés se mobilisaient pour demander la libération du fondateur de la télévision Attounissia, Sami Fehri. Ce n'est donc pas seulement une télévision qui s'est distinguée ces derniers mois par sa liberté de ton et l'excellence de ses émissions, que ce ministre de la justice cherche à faire taire, ou à faire récupérer par d'autres affairistes à la solde d'Ennahda. Mais c'est un citoyen qui, jusqu'à preuve du contraire, reste innocent de ce dont on l'accuse, sinon, c'est quasiment l'ensemble des hommes d'affaire tunisiens qui seraient en prison parce qu'ils ont traficoté, à un moment ou à un autre, avec le sinistre Belhassen Trabelsi.  

Conscient que cette affaire est devenue un boulet pour l’Etat et un scandale au niveau de certaines  ONG occidentales, d’autant plus qu’il n’y pas dans le dossier d’éléments probants incriminant Sami Fehri, Moncef Marzouki, qui cherche difficilement à conserver son image de militant des droits de l’homme, est tenté de le gracier à l’occasion du 14 janvier, contre l'avis de Mohamed Abbou. Mais il est pris dans un dilemme : ou bien le gracier pour gagner la sympathie d’une opinion publique désormais largement solidaire avec Sami Fehri, ou bien le maintenir en prison pour ne pas contrarier ce qui lui reste du CPR et mécontenter ses amis islamistes auxquels il doit son poste de président provisoire. La rupture avec ses alliés est de toute façon consommée, Ennahda ayant décidé pour les prochaines élections de miser sur un autre candidat plus présentable pour continuer à jouer sa comédie tragi-démocratique, mais Moncef Marzouki souhaite gagner encore un peu de temps avant d’annoncer de façon fracassante sa rupture avec l’islamisme « modéré » en vue de capitaliser au maximum l’effet d’annonce.

Selon des fuites que nous avons pu obtenir du palais de Carthage, Marzouki à l’intention de relâcher, le 14 ou le 15 janvier, le prisonnier politique Sami Fehri. Si cette information s’avère exacte, ce serait la première fois que le président provisoire fera usage des prérogatives présidentielles que lui a concédé Ennahda. S’il y renonce, cela prouverai que Moncef Marzouki est toujours sous l’emprise de son ami et complice Rached Ghannouchi et que les différents entre les deux hommes ne sont que de la poudre aux yeux. Pire encore, cela prouverait que Moncef Marzouki est encore plus dangereux pour l’avenir de la Tunisie que le chef des Frères musulmans et le guide secret des salafistes : Rached Ghannouchi.
Tunisie-Secret.com
Lilia Ben Rejeb