Kamel Morjane le diplomate qui doit se métamorphoser en politique


14 Septembre 2014

Kamel Morjane a failli commettre l’erreur fatale de Dominique de Villepin en 2006, lorsque ce dernier a mis trop longtemps à hésiter avant d’afficher son ambition présidentielle, se faisant ainsi doubler par Nicolas Sarkozy, qui était pourtant nettement moins brillant que lui. En politique, rien n’est pire que l’hésitation et la tergiversation.


Kamel Morjane, trop bon avec les salopards, très diplomate avec les voyous.
L’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères n’a pourtant pas manqué de courage et d’audace lorsqu’il a décidé, en mars 2011, de lancer son parti Al-Moubadara (L’initiative). C’était un défi contre les islamistes, les gauchistes et les droit-de-l’hommistes qui, au nom de la « révolution bouazizienne », exigeaient à l’époque l’interdiction aux anciens ministres du président Ben Ali d’exercer la moindre activité politique et appelaient même à les jeter tous en prison. D’autres malades mentaux de la gauche défroquée ont carrément voulu ériger des potences. C’était une manière lâche et odieuse de se débarrasser des futures adversaires politiques auxquels ils n’arrivent pas à la cheville.
 
Victime de fraude électorale, Kamel Morjane a eu la « sagesse » de se taire

La naissance d’Al-Moubadara était effectivement une initiative courageuse, puisque l’objectif premier de son fondateur était la préservation de l’héritage bourguibien et le rassemblement de tous les destouriens traumatisés, culpabilisés, humiliés et ostracisés par les « hordes » pseudo-révolutionnaires. A l’époque, le RCD venait de subir une dissolution illégale et illégitime, qui rappelle à bien des égards celle du Bâath irakien, après l’invasion impérialiste et colonialiste de l’Irak en 2003. On se souvient encore de la très courageuse avocate Abir Moussi, défendant la légalité contre les hystériques du barreau et les mercenaires du Qatar qui voulaient décapiter définitivement le RCD.

N’ayant pas réussi à bloquer la naissance d’Al-Moubadara, les islamistes et les gauchistes, qui étaient encore des alliés dans la destruction programmatique de la Tunisie et le partage de ce qu’ils appelaient le gâteau, ont recouru à des méthodes plus subtiles et plus pernicieuses : la fraude électorale, avec la complicité active d’un certain Kamel Jendoubi, qui a été parachuté par Rached Ghannouchi, Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar et Béji Caïd Essebsi, président de l’ISIE. De même que sans fraude et sans la mobilisation de l’électorat islamiste, le CPR aurait fait un score encore inférieur à celui de Hamma Hammami, de même que les listes d’Al-Moubadara auraient pu faire un meilleur score lors des élections du 23 octobre 2011, si les voix réellement obtenues n’avaient pas été revues à la baisse par les anciens commerçants et grossistes des droits de l’homme à Paris et leurs commanditaires d’Ennahda et du CPR. Nous savons maintenant que les 5 sièges obtenus par Al-Moubadara à l’Assemblée constituante ne traduisaient pas la réalité du scrutin du 23 octobre 2011. Kamel Morjane a manqué d’audace, ou peut-être qu’il a fait preuve de sagesse, en s’abstenant de dénoncer publiquement cette fraude électorale avérée. 

Le péché originel de Kamel Morjane 
  
Tout cela est révolu. Parlons maintenant du présent. La Première gaffe de Kamel Morjane, qui a troublée ses proches amis et déstabilisée ses troupes, c’était lorsqu’il a déclaré il y a quelques mois qu’il ne se présentera pas aux élections présidentielles dans le cas où Béji Caïd Essebsi se porterait candidat. L’intention était sans doute noble, mais le Bey de Nidaa Tounès méritait-il un tel éloge et, surtout, un tel blanc-seing ?

La confusion et le malaise engendrés par cette position se sont estompés le 29 août 2014, lorsque sur sa page facebook, Kamel Morjane a clairement écrit, « Je pense sérieusement à la présidentielle ». Mais ce message a été de nouveau brouillé par cette déclaration pour le moins surprenante : « Pour moi, la course à la présidence n'est pas un objectif, j'aurais plutôt tendance à la regarder sous l'angle du devoir national. Sincèrement, je n'aurais pas le sentiment d'avoir raté quelque chose dans ma vie si je ne me présentais pas. J'ai connu le pouvoir, je n'ai pas d'ambition personnelle à assouvir ni de revanche à prendre sur le destin ». C’est le magazine Jeune Afrique, dans son édition du 10 septembre 2014, qui lui a prêté ces propos.

C’est finalement hier, le 13 septembre 2014, sur sa page facebook, que Kamel Morjane a levé toute confusion ou malentendu en écrivant : « J'ai décidé de me porter officiellement candidat à la présidentielle. Merci pour la confiance que vous m'avez témoignée ». Maintenant  qu’il est candidat, va-t-il réduire son langage diplomatique pour adopter le discours politique et charismatique d’un véritable leader ? Rendre coup pour coup, être bienveillant avec ceux qui le méritent, et coriace avec les voyous en politique. En d’autres termes, suivre l’exemple de Bourguiba. C'est que Kamel Morjane a exactement le même défaut que Taïeb Baccouche. Ils sont tous les deux trop bons, trop intellectuels pour une classe politique qui ne vole pas très haut. La bonté est une qualité humaine et morale indéniable, mais elle est aussi un défaut en politique, domaine où il faut parfois savoir hausser le ton et taper sur la table, ce que Bourguiba savait très bien faire.

Le miracle que les Tunisiens attendent n’est pas impossible

Les choses sont désormais claires, aussi bien pour Kamel Morjane que pour les militants et les cadres d’Al-Moubadara. A ses côtés, il a un allié solide, fidèle, puissant et patriote : Mohamed Ayachi Ajroudi, qui n'est pas un "homme d'affaires" mais un bâtisseur à la tête d’un empire industriel en Europe, et qui est le président du « Mouvement du Tunisien pour la Liberté et la Dignité », qu’il a fondé le 8 juillet 2013. De sources fiables, nous avons récemment appris que M.Ajroudi ne se présentera pas aux élections présidentielles, ouvrant ainsi un grand boulevard à son ami et allié, Kamel Morjane, et prouvant à ses vils détracteurs que son ambition n'est pas d'occuper le palais de Carthage mais de chasser l'occupant qatari et contribuer au redressement et au relèvement de la Tunisie.

Maintenant qu’il  a délié son avenir et celui de son parti du devenir incertain de Béji Caïd Essebsi, Kamel Morjane pourrait établir une alliance stratégique avec Mondher Zenaïdi qui a rompu son exil ce dimanche 14 septembre 2014. Ensemble, ces deux hautes compétences universitaires et politiques, qui ont une longue expérience dans la gestion, la diplomatie et le management politique,  vont pouvoir relever le défi…et peut-être bien accomplir le miracle que tous les Tunisiens attendent : redresser un pays économiquement sinistré, socialement éclatés, politiquement délabré et sécuritairement menacé.

Nebil Ben Yahmed