Khalifa Haftar : du statut de chef de guerre à la stature d’homme d’Etat


28 Avril 2020

Dans les heures qui viennent, un gouvernement de Salut public régnant sur l’ensemble des territoires libyens sera annoncé avec à sa tête le Maréchal Khalifa Haftar. Déclaration constitutionnelle imminente et probablement désignation d’un nouveau gouvernement.


Depuis le début de son conflit avec Fayez al-Sarraj et les islamistes, Khalifa Haftar n’a jamais prétendu au pouvoir suprême. Revenu en Libye après des années d’exil, il se définissait comme patriote et militaire et se donnait pour quadruple missions de nettoyer la Libye des miliciens terroristes, d’empêcher les Frères musulmans de monopoliser le pouvoir, de maintenir l’unité nationale, et d’éviter toute partition de la Libye, comme l’envisageaient certaines puissances occidentales.

Aujourd’hui, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la Libye- insécurité, terrorisme, pauvreté, pillage des richesses pétrolières, exode, haute trahison de Fayez al-Sarraj, ingérence turco-tuniso-qatarie- Khalifa Haftar a décidé de répondre à l’appel du peuple libyen en acceptant de prendre les rênes du pouvoir politique. C’est du moins ce qui ressort de son dernier et bref discours à la nation : « Nous déclarons prendre acte de la volonté du peuple et accepter le mandat qui nous est confié pour jeter dans les oubliettes du passé un gouvernement qui n’a eu de but que de détruire le pays et de le pousser vers les abîmes. Nous acceptons la charge de gouverner la Libye. L’armée prend le contrôle de l’Etat et assure, dès à présent, la direction politique de la Libye afin de la conduire sur la voie de sa libération. Cet acte traduit la volonté du peuple. Le peuple reprend ce soir son destin en main et choisit la voie à suivre vers la démocratie. Notre objectif, dès le premier jour, a toujours été de représenter et protéger la volonté du peuple, l’Armée sert le peuple et elle fera tout pour soulager ses souffrances…».

Ce discours s’adresse principalement aux Libyens, mais c’est aussi un message politique vis-à-vis de la communauté internationale. Avec l’appuis de la plupart des grandes tribus libyennes et le ralliement de quelques autres qui étaient jusqu’alors réfractaires, et fort de ses dernières victoires militaires sur les mercenaires, les miliciens islamistes et les daéchiens massivement soutenus par Erdogan, le Qatar et, de façon secrète, la Tunisie, Haftar place les pays occidentaux autant que les pays arabes devant le fait accompli : la tragi-comédie a assez durée, le gouvernement de Tripoli est désormais caduc, un seul gouvernement national est légal, celui de la coalition constituée autour de Khalifa Haftar. Ce gouvernement sera évidemment de transition, en attendant l’éradication totale du virus islamo-terroriste et le retour à la paix civile pour organiser des élections démocratiques sous la surveillance des Nations-Unies.

Il est fort probable que cette déclaration constitutionnelle soit faite ce soir ou demain mercredi et que le président actuel du Parlement, Aguila Salah, soit chargée d'annoncer cet événement capital dans l'histoire de la Libye. D’ores et déjà, par la voix de son porte-parole, l’Union européenne, qui a beaucoup profité de la situation en Libye depuis 2011 et qui s’abrite derrière le processus moribond de Berlin en laissant faire la Turquie, a fait savoir son rejet des « initiatives individuelles ». Mais cette position diplomatique est le dernier souci du désormais chef d’Etat libyen, Khalifa Haftar.

Nebil Ben Yahmed