L’affaire de la banque franco-tunisienne, une bombe à retardement


29 Octobre 2013

Elle dure depuis des années et son principal protagoniste, Abdelmajid Bouden, a dû s’exiler en France pour continuer à se battre et pour récupérer ce qu’on lui a spolié. Avec la « révolution du jasmin » pour laquelle il a vibré, qui plus est ami de Marzouki, Ghannouchi et toute la clique, il a cru pouvoir récupérer la BFT dont il est le principal actionnaire. En vain, il s’est trouvé face à un Etat mafieux, dont les dirigeants sont encore plus corrompus que les Trabelsi, les Chiboub, les Matéri et les Mabrouk, qu’il a longtemps fustigé.


Selon la dernière livraison du Maghreb Confidentiel, « Le ministre délégué Noureddine Bhiri et celui chargé des affaires économiques Ridha Saïdi sont prêts à tout pour solder l’affaire BFT (Banque franco-tunisienne), pour le contrôle de laquelle Tunis et ABCI s’affrontent devant le Centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement. Selon nos sources, les deux ministres ont donné leur approbation à un plan de liquidation de l'établissement, mis au point par des pontes du ministère des finances et de la Banque centrale de Tunisie (BCT) ». Cela s’appelle hold- up en bonne et due forme. Sous l’ancien régime, les fonctionnaires de l’Etat mettaient au moins la forme légale. Avec les nouveaux mafieux qui ont usurpé le pouvoir, on s’approprie des fonds sans y mettre la forme !   

En effet, selon le Maghreb Confidentiel, « La fermeture de la BFT permettrait d’éviter un audit de ses comptes, réclamé par ABCI dans le cadre de l’arbitrage. Celui-ci risque de révéler certains agissement des hauts fonctionnaires qui administraient la banque lorsqu’elle servait de tirelire aux proches du régime Ben Ali, et pour la plupart encore en poste. Mais la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), qui viennent d'avoir vent de ce projet de liquidation, ne l'entendent pas ainsi. Ces bailleurs, qui financent le redressement du secteur bancaire, comprennent mal que Tunis raye d'un trait de plume les 550 millions de dinars de "créances irrécouvrables" détenues par la BFT. Si l'établissement disparaissait, ce "trou" passerait aussitôt dans les comptes de sa maison mère, la STB (Société tunisienne de banque) ».

On rappelle pour mémoire que le 16 septembre 2013, le quotidien Achourouk annonçait qu’un  arrangement aurait été trouvé entre l’Etat tunisien et l’homme d’affaires et avocat Abdelmadjid Bouden, à propos du sempiternel différend de l’affaire de la BFT (Banque Franco-tunisienne). Cet arrangement, toujours selon le journal, coûterait une perte sèche de 900 MDT pour l’Etat tunisien.

Mais le hic est cependant ailleurs. Le journal précisait, en effet, que les arrangements auraient été faits, en connaissance de cause par le ministre des Domaines de l’Etat et du Chargé du contentieux de l’Etat et sous la houlette directe du conseiller du chargé du contentieux de l’Etat, Hamed Ennakâaoui (et non pas Mankaï, comme cela a été écrit par erreur). Ce dernier aurait été, ensuite, arrêté et déféré devant un juge d’instruction sous l’accusation d’avoir signé les arrangements avec la société ABCI, sans l’accord du ministre. Selon Achourouk, repris par d'autres sites d'information, Hamed Ennakâaoui, qui se serait par la suite enfui à l’étranger de peur d’être inculpé, soutient que tout aurait été fait avec l’accord du ministre des Domaines de l’Etat. Vérification faite, Hamed Ennakâaoui n'a pas quitté la Tunisie et il aurait même attaqué en Justice son ex-ministre, Salim Ben Hamidane.

En revanche, un autre, impliqué dans cette affaire, a précipitamment quitté la Tunisie pour éviter la Justice. Il s'agit de Mondher Sfar, un marginal de l’extrême-gauche parisienne, qui s’est mis au service de l’islamo-impérialisme dès 2011 et qui a effectivement quitté la Tunisie en juin dernier. Il disait prendre un congé sabbatique du ministère des Domaines de l’Etat où il a été recruté, pour rédiger un livre sur la « révolution » tunisienne. En réalité, par crainte de poursuites judiciaires, il s’est exilé à Paris en embarquant dans sa valise des documents compromettants qu’il a subtilisés de son ministère. Le 27 septembre 2013, il a publié une interminable lettre dans laquelle il se justifiait, non sans innocenter celui qu’il appelle « mon ministre », c’est-à-dire son ancien acolyte parisien qui se faisait passer pour un avocat, l’islamiste Salim Ben Hamidane.

Dans cette lettre auto-justificatrice, Mondher Sfar écrit : « Quand j'ai accepté de prendre la charge de Conseiller du ministre des Domaines de l'Etat, c'est bien dans l'idée et l'objectif de changer les pratiques anciennes, de concevoir et d'entreprendre des réformes structurelles dont mon ministère a tant besoin, vu le passif colossal que nous avons hérité de l'ancien régime. Mais le plus important c'est de concrétiser la transformation de la nature de l'Etat qui fonctionnait jusqu'à la Révolution comme le Maître absolu, en un organe entièrement dévoué au service des citoyens (…). La «continuité de l'Etat» signifie que la Troïka élue par le peuple révolutionnaire s'engage à respecter les décisions du gouvernement de Béji Caïd Essebsi! Mais la politique de ce dernier a été naturellement celle de Ben Ali! La continuité de l'Etat c'est la continuité de Ben Ali. Il s'agit bien d'une trahison de la Révolution et une victoire de l'ancien régime, de ses hommes qui détiennent aujourd'hui l'essentiel des commandes de l'Etat et qui couvrent les abus du passé. Ce sont ces hommes là qui ont été placés au sein du Comité ministériel chargé de gérer le dossier de l'ABCI et ce sont eux qui, du temps de Ben Ali, ont été à l'origine des problèmes de l'ABCI et des développements catastrophiques pour les finances publiques et pour la BFT jusqu'à nos jours. Ce sont eux qui ont triomphé aujourd'hui contre la politique suivie par notre Ministre des Domaines de l'Etat dans sa lutte contre les séquelles du passé. Notre ministre a capitulé devant le lobby de l'ancien régime à qui la Troïka a confié les clés de l'Etat et c'est ainsi qu'on a parlé de la «Continuité de l'Etat».

Ainsi, plutôt que de dénoncer les pratiques mafieuses de « son ministre » usurpateur, de dénoncer les pots de vin que réclamaient à Abdelmajid Bouden les brigands d’Ennahda et du CPR pour arranger son affaire, l’ancien marxiste-léniniste qui s’est mis au service de l’islamo-impérialisme a préféré accabler l’ancien régime dont il voit la continuité dans la personne de Béji Caïd Essebsi. Décidément, ce gauchiste a toujours vu la paille dans les yeux des autres, jamais la poutre dans ses propres yeux. Dans son studio du 14ème arrondissement, il a désormais le temps de méditer sur tout le mal qu’il a fait à son pays.

Lilia Ben Rejeb