Les Tunisiens morts dans les tueries de Charlie Hebdo et Vincennes


10 Janvier 2015

Yoav Hattab, tunisien, Elsa Cayat, Yohan Cohen, François-Michel Saada et Georges Wolinski, français d’origine tunisienne, sont tombés sous les balles des criminels intégristes. Le jeune Yoav Hattab, Yohan Cohen et François-Michel Saada sont mort dans la tuerie antisémite de Vincennes ; Elsa et Georges, dans le carnage de Charlie-Hebdo. Cet article est un hommage pour eux, pour l'autre victime de la supérette de Vincennes, Philippe Braham (45 ans), et pour l’ensemble des victimes de la barbarie islamiste tombées ces derniers jours en France.


Au milieu de la photo, Avichay Hattab, le frère du défunt Yoav, qui était comme lui un bon patriote tunisien.

Yoav Hattab
Cela fait moins d’une année que Yoav Hattab, un jeune tunisien de 21 ans, s’est installé à Paris pour faire des études supérieures en commerce et en marketing. Originaire de La Goulette, où vit encore une petite communauté juive comme à Djerba, il était le fils de Benyamin Hattab, le grand rabbin de Tunis. Vendredi soir, sur les ondes de Mosaïque FM, son frère Avichay faisait le récit de cette journée tragique : «Le vendredi, mon frère fait toujours ses courses dans ce supermarché pour Shabbat, puisqu’il habite à Vincennes. Si dieu le veut, il est encore en vie, nous tentons encore de le joindre». Notre compatriote ignorait que son frère était déjà décédé, comme Philippe Braham, Yohan Cohen François-Michel Saada. Qu’ils reposent tous en paix. Selon certains sites tunisiens qui disent tenir leurs informations de la famille Hattab, Yoav est mort en héro. Profitant d'un moment d'inattention du criminel Amedy Coulibaly, qui avait déposé sur le comptoir l'une de ses armes, Yoav Hattab s'en ai saisi et a essayé d'abattre le terroriste. Malheureusement, les balles ne sont pas parties, le terroriste ayant mis le cran de sureté de son arme avant de la déposer sur le comptoir. . 


Elsa Cayat était née le 9 mars 1960 à Tunis. Présente à la conférence hebdomadaire de rédaction de Charlie Hebdo, la psychanalyste et psychiatre Elsa Cayat (54 ans) tenait une chronique bimensuelle, intitulée « Divan ». Elle y abordait, derrière ses lunettes de psy pointilleuse, les sujets de société qu’elle n’hésitait pas à traiter avec impertinence et humour. Elle était considérée comme l’une des meilleures psychanalystes lacaniennes de Paris. Interne des hôpitaux de Paris à l’âge de 22 ans, médecin psychiatre, « elle s’est, dès son installation, constituée une énorme clientèle, des intellectuels fascinés par sa qualité d’écoute, son pouvoir d’analyse, sa fulgurance », raconte sa tante, la romancière Jacqueline Raoul-Duval. « Travailler, réfléchir, écrire, élever sa fille, avec toujours ce besoin d’excellence, voilà ses passions », conclue sa tante. Elsa Cayat laisse derrière elle sa fille Hortense, orpheline de 20 ans.

 


Georges Wolinski était né le 28 juin 1934 à Tunis, d'un père d'origine polonaise, assassiné quand il n’avait que deux ans, et d'une mère originaire de Livourne. C'est en Tunisie que le petit Georgie, comme l'appelait sa grand-mère, découvre les comics grâce aux Américains débarqués en Afrique du Nord. « Les autres enfants demandaient du chocolat et des chewing-gums aux GI, moi je leur disais : "Have you comics?", et ils me donnaient des comics mais aussi du chocolat et des chewing-gums ! », écrivait-il.  Arrivé à Paris en 1945 et « plus enclin à mater ses petites camarades et à dessiner qu'à réviser », il se passionne pour la BD et illustre le journal de son lycée, Le Potache Libéré... Il propose ses premiers dessins au journal Hara-Kiri en 1961 sous l'égide de Cavanna et du professeur Choron. Après la courte expérience de "L'Enragé" au côté de Siné, il devient, après 68, l'un des piliers de "Hara-Kiri Hebdo". L'hebdomadaire satirique sera interdit et deviendra "Charlie Hebdo" à la suite de la polémique provoquée par le titre "Bal tragique à Colombey, un mort", lors du décès du Général de Gaulle en 1970. C'est lui aussi qui caricaturera Michel Debré, alors ministre de la Défense, avec un entonnoir sur la tête.

Yohan Cohen, 23 ans, était employé de la supérette Hyper Casher depuis un an. Né à Enghien-les-Bains, Yohan Cohen a fréquenté le lycée ORT, un établissement professionnel juif. Ce fan de rap, en particulier de Booba, était le petit-fils d'un célèbre chanteur judéo-tunisien, Doukha, décédé un mois avant lui, en décembre 2014. Ses parents se sont installés à Sarcelles dans les années 60, dans le "Grand Ensemble". Le jeune homme a grandi dans cette ville cosmopolite et et multiconfessionnelle. « C'était un garçon sympathique, je le connaissais de vue et ses copains aussi. C'est un drame de plus qui touche la ville et la communauté juive », s'est insurgé le député-maire PS de Sarcelles, François Pupponi.

François-Michel Saada (64 ans), né à Tunis le 6 juin 1951, était lui cadre supérieur à la retraite. Il était marié à Laurence Saada, institutrice psycho-motricienne, depuis plus de 30 ans. Il était le père de Jonathan et Emilie. « C'était quelqu'un d'extrêmement droit, qui a conduit sa vie pour le bonheur de sa famille, qui ne faisait jamais d'histoire. Un mari, un papa exemplaire, a écrit un de se amis.

Yoav Hattab (21 ans), Elsa Cayat (54 ans), Georges Wolinski (80 ans), François-Michel Saada (64 ans), Yohan Cohen (23 ans), étaient les enfants de la Tunisie et de la France. Avec toutes les autres victimes de la barbarie, de l’ignorance et de l’antisémitisme, qu’ils reposent en paix et que leurs noms ne soient jamais effacés de nos mémoires.

Nebil Ben Yahmed