Tunisie : La comète Africom


17 Décembre 2013

Le mythe de la comète ou comment installer une base militaire américaine sur le territoire tunisien en faisant croire aux tunisiens que des extraterrestres ont envahi leur désert ? Au fait, si ma mémoire est bonne, ce n'est pas dans les environs de Tataouine que le film "La planète des singes" a été tourné?


Le bruit court qu'une comète est tombée dans le sud de la Tunisie, et qu'une partie du territoire tunisien plus précisément à Jebala n'est plus accessible aux citoyens. J'avoue que lorsque se fût la énième fois que l'on me le disait, j'explosai d'un rire nerveux en répondant : mais vous y croyez vraiment à cette histoire de comète? La naïveté de mon peuple a giflé ma fierté nationale, qui était au zénith en janvier 2011. Aucun de mes interlocuteurs n'avaient l'air de remettre en cause cette information.

Est-ce que mon peuple est entièrement et complètement ignorant des jeux et enjeux dont la Tunisie, malgré elle, est l'actrice principale? Ou ne veut-il pas voir ? Est-ce un déni après le trauma ou une fuite en avant ? Ou est-ce un mélange de ces épiphénomènes rationnels et universels, car loin de moi la pensée que le peuple tunisien serait plus bête ou plus fou que les autres peuples. Il est le produit de l'histoire de la nation et des visions de ses dirigeants. Le peuple, les peuples en général, sont façonnés par les maîtres, qu'il soit français, américain ou russe.

Le peuple français est un grand consommateur de pilules du bonheur, le peuple américain souffre d'obésité, le peuple tunisien souffre, selon moi, de son histoire dont il reste encore beaucoup à dire, car même les mots ont du mal à sortir. Les symptômes post-traumatiques que génèrent une guerre sont encore visibles; la culture du silence et des tabous n'a pas arrangé la donne.

Je pense sincèrement qu'une grande partie des tunisiens a pris conscience de l'arnaque car il s'agit bien d'une crapuleuse stratégie géopolitique menée de front par les grandes puissances. Les Tunisiens ont pris conscience du malheur qui les a frappé contre leur plein gré, mais ils ne veulent pas le reconnaître par culpabilité. Les médias étrangers les ont présentés comme le peuple le plus courageux, le plus libre et le plus intelligent du globe, et ils veulent garder cette image qu'on leur a envoyé.   

Je reviens de ma Tunisie, et je me souviens du dernier chauffeur de taxi qui, avec amertume, m'a dit « le pays va droit dans le mur c'est pire qu'avant ». Tous ont conscience, chacun se positionne selon son degré d'affinité avec l'ambiance politique. Certains s'en accommodent, d'autres, la majorité par habitude sait fondamentalement qu'elle n'a aucun pouvoir décisionnel, par conséquent peu importe ce qu'il adviendra; ils font avec, ils s'arrangent avec leur conscience politique et chacun se débrouille comme il peut.

Pour devenir un citoyen réel, le maître doit lâcher du zèle, voire enlever les chaines et permettre à l'esclave de désapprendre la servilité et réapprendre à vivre autonome et libre.
Pour beaucoup, et cela est valable pour tous les peuples, la servitude est confortable puisqu'elle est partagée, puisqu’elle est la majorité, puisqu'elle est héritée, puisqu'elle est une habitude devenue une attitude. Le loup a du être dompté et transformé par l'homme pour devenir chien. Cette affirmation fait jaillir une autre question : avons-nous intérêt à libérer les chiens pour qu'ils deviennent des loups?

Samira Hendaoui