Amina Sboui, à l'époque où elle était encore la coqueluche de certains médias français. Ici, sur France2 pour "analyser" la révolution des gueux !
Dans une lettre révélée par Libération, l'ex-Femen tunisienne avoue qu'elle a complètement inventé son agression par des salafistes, en juillet, à Paris, et demande pardon.
La lettre, Amina Sboui, 19 ans, la relit une dernière fois, sur un coin de table blanc. Elle va l’envoyer au procureur. Elle commence à la réciter à haute voix : «Il m’a fallu beaucoup de temps, d’épreuves, d’échanges avec mes proches pour admettre que je n’étais pas si forte et si indemne que ce que je pensais, avec tout ce que j’ai vécu.» Elle sourit, un peu gênée, elle n’ose pas trop nous regarder dans les yeux. «Voilà, je suis désolée, j’explique ma faute», nous dit l’ancienne Femen, connue pour avoir posé seins nus, en Tunisie, et avoir été emprisonnée pour cela.
Le 6 juillet dernier, elle poste un message sur Facebook. Elle raconte qu’au petit matin elle a été agressée par des salafistes dans le métro, place Clichy. Ils l’auraient insultée et rasé ses sourcils. L’information est reprise par les médias, la machine s’emballe. Problème, rien n’est vrai, elle a tout inventé. Très vite, le 14, elle est mise en garde à vue. La police l’accuse de «dénonciation mensongère», elle risque six mois de prison et 7 500 euros d’amende. Elle se défend, continue d’asséner sa version. Lorsqu’on l’avait rencontrée, il y a trois semaines, elle maintenait toujours ses positions. Elle n’était pas encore prête à parler.
«Quand j’ai posté ce message, j’ai oublié comme une conne que j’étais Amina Sboui, essaye-t-elle d'expliquer. Pour moi, c’était un appel au secours pour mes amis, mes proches, ce n’était pas adressé à la presse ou à la police. Le problème, c’est qu’il y a plein de journalistes qui me suivent, qui ont commencé à m’appeler, à écrire dessus. Je ne pouvais plus dire que c’était un mensonge.»
SENTIMENT DE SOLITUDE
«Depuis mon exil en France, mes difficultés se sont accentuées. Tout en étant très entourée, j’ai fait l’expérience de la précarité et de la solitude, alors que je dois préparer mon avenir», écrit-elle encore. Cette année, elle est entrée en terminale, elle espère passer son Bac à la fin de l’année. Elle touche une petite bourse, ce qui lui permet de survivre, vit parfois dans des squats, parfois chez des amis, ce n’est pas toujours évident.
«Je venais de déménager de chez une femme que j’aime beaucoup. Elle m’a sauvée en France. Au début, je n’avais rien, pas d’argent. Et en partant de chez elle, tout d’un coup j’étais très déprimée. C’était la France, sans personne, sans amis, sans famille, développe-t-elle. Un jour, je suis allée à l’hôpital pour une entorse et j’ai croisé juste un mec, dans la rue, qui m’a parlé, mais normalement. Et en rentrant j’ai développé toute une histoire en rentrant à la maison.» Elle baisse les yeux. Elle garde son visage un peu mutique qu’elle arbore en toutes circonstances, mais, ce mercredi soir, plus qu’à une militante sûre d’elle-même, elle fait penser à une adolescente esseulée. «Je ne me suis pas pas rendu compte, répète-t-elle. Ce n’était pas comme quand je me suis mise seins nus sur la page des Femen. Là, je savais qu’il y aurait des répercussions.»
«Il y avait les gens qui ne me croyaient pas, mais aussi tous ceux qui me défendaient. Je ne pouvais pas dire que j’avais menti, c’était trop dur, j’avais peur de les décevoir», ajoute-t-elle.
Elle sait que sa dénonciation imaginaire est une grosse faute. Pas seulement pour elle, mais aussi pour toutes les causes et les femmes qu’elle défend. «Par ce mensonge, je suis consciente que je jette le discrédit sur la parole de victimes de violences sexistes et des intégrismes, quels qu’ils soient», écrit-elle dans sa lettre.
«ON FAIT DES FAUTES, ON EST HUMAINS»
Cela arrive parfois : à force de répéter la même histoire, on finit par se persuader soi-même. «Après la garde à vue à Paris, j’ai commencé à croire ce que j’avais inventé. On est tellement habitué, en Tunisie, à ce que les flics te mentent, que je me suis convaincue moi-même que je leur disais la vérité», avoue-t-elle. Il lui a fallu du temps pour faire le chemin inverse.
«Au début, je me suis senti prise, enfermée, mais là, ça va mieux. Parler fait du bien, c’est important d’enlever ce poids. C’était une connerie, je sais.» Elle espère que les gens, ceux qui la soutiennent, vont lui pardonner. «On fait parfois des fautes, on est humains. C’est la première fois que je fais un truc pareil, c’est la dernière.»
Elle veut s’arrêter, un peu, prendre du recul. Elle a conscience que c’est aussi l’enchaînement des actions et des événements, le fait de ne jamais s'arrêter, qui l’a emmenée dans cette spirale. Mais, ensuite, elle recommencera à militer. Elle a déjà des idées. Elle signe la lettre, devant nous. Sur sa cuisse droite, elle vient d’ajouter un nouveau tatouage, en anglais, à sa collection déjà nombreuse. Une citation attribuée à la peintre féministe mexicaine Frida Kahlo : «At the end of the day we can endure much more than we think we can.» «Au final, on est capable de supporter bien plus que ce que l’on croyait.»
Pour ce cas de la «dénonciation imaginaire», elle a rendez-vous devant le juge le 8 octobre. Par ailleurs, elle doit également comparaître devant le tribunal correctionnel «pour violences en état d’ébriété» à la suite d’une rixe survenue place de la Bastille, en août. Sur ce point, elle affirme toujours que ce sont ses amis et elle qui ont été provoqués.
Quentin Girard, Libération du 25 septembre 2014, article publié sous le titre de « Amina Sboui : Mon mensonge était un appel au secours».
La lettre, Amina Sboui, 19 ans, la relit une dernière fois, sur un coin de table blanc. Elle va l’envoyer au procureur. Elle commence à la réciter à haute voix : «Il m’a fallu beaucoup de temps, d’épreuves, d’échanges avec mes proches pour admettre que je n’étais pas si forte et si indemne que ce que je pensais, avec tout ce que j’ai vécu.» Elle sourit, un peu gênée, elle n’ose pas trop nous regarder dans les yeux. «Voilà, je suis désolée, j’explique ma faute», nous dit l’ancienne Femen, connue pour avoir posé seins nus, en Tunisie, et avoir été emprisonnée pour cela.
Le 6 juillet dernier, elle poste un message sur Facebook. Elle raconte qu’au petit matin elle a été agressée par des salafistes dans le métro, place Clichy. Ils l’auraient insultée et rasé ses sourcils. L’information est reprise par les médias, la machine s’emballe. Problème, rien n’est vrai, elle a tout inventé. Très vite, le 14, elle est mise en garde à vue. La police l’accuse de «dénonciation mensongère», elle risque six mois de prison et 7 500 euros d’amende. Elle se défend, continue d’asséner sa version. Lorsqu’on l’avait rencontrée, il y a trois semaines, elle maintenait toujours ses positions. Elle n’était pas encore prête à parler.
«Quand j’ai posté ce message, j’ai oublié comme une conne que j’étais Amina Sboui, essaye-t-elle d'expliquer. Pour moi, c’était un appel au secours pour mes amis, mes proches, ce n’était pas adressé à la presse ou à la police. Le problème, c’est qu’il y a plein de journalistes qui me suivent, qui ont commencé à m’appeler, à écrire dessus. Je ne pouvais plus dire que c’était un mensonge.»
SENTIMENT DE SOLITUDE
«Depuis mon exil en France, mes difficultés se sont accentuées. Tout en étant très entourée, j’ai fait l’expérience de la précarité et de la solitude, alors que je dois préparer mon avenir», écrit-elle encore. Cette année, elle est entrée en terminale, elle espère passer son Bac à la fin de l’année. Elle touche une petite bourse, ce qui lui permet de survivre, vit parfois dans des squats, parfois chez des amis, ce n’est pas toujours évident.
«Je venais de déménager de chez une femme que j’aime beaucoup. Elle m’a sauvée en France. Au début, je n’avais rien, pas d’argent. Et en partant de chez elle, tout d’un coup j’étais très déprimée. C’était la France, sans personne, sans amis, sans famille, développe-t-elle. Un jour, je suis allée à l’hôpital pour une entorse et j’ai croisé juste un mec, dans la rue, qui m’a parlé, mais normalement. Et en rentrant j’ai développé toute une histoire en rentrant à la maison.» Elle baisse les yeux. Elle garde son visage un peu mutique qu’elle arbore en toutes circonstances, mais, ce mercredi soir, plus qu’à une militante sûre d’elle-même, elle fait penser à une adolescente esseulée. «Je ne me suis pas pas rendu compte, répète-t-elle. Ce n’était pas comme quand je me suis mise seins nus sur la page des Femen. Là, je savais qu’il y aurait des répercussions.»
«Il y avait les gens qui ne me croyaient pas, mais aussi tous ceux qui me défendaient. Je ne pouvais pas dire que j’avais menti, c’était trop dur, j’avais peur de les décevoir», ajoute-t-elle.
Elle sait que sa dénonciation imaginaire est une grosse faute. Pas seulement pour elle, mais aussi pour toutes les causes et les femmes qu’elle défend. «Par ce mensonge, je suis consciente que je jette le discrédit sur la parole de victimes de violences sexistes et des intégrismes, quels qu’ils soient», écrit-elle dans sa lettre.
«ON FAIT DES FAUTES, ON EST HUMAINS»
Cela arrive parfois : à force de répéter la même histoire, on finit par se persuader soi-même. «Après la garde à vue à Paris, j’ai commencé à croire ce que j’avais inventé. On est tellement habitué, en Tunisie, à ce que les flics te mentent, que je me suis convaincue moi-même que je leur disais la vérité», avoue-t-elle. Il lui a fallu du temps pour faire le chemin inverse.
«Au début, je me suis senti prise, enfermée, mais là, ça va mieux. Parler fait du bien, c’est important d’enlever ce poids. C’était une connerie, je sais.» Elle espère que les gens, ceux qui la soutiennent, vont lui pardonner. «On fait parfois des fautes, on est humains. C’est la première fois que je fais un truc pareil, c’est la dernière.»
Elle veut s’arrêter, un peu, prendre du recul. Elle a conscience que c’est aussi l’enchaînement des actions et des événements, le fait de ne jamais s'arrêter, qui l’a emmenée dans cette spirale. Mais, ensuite, elle recommencera à militer. Elle a déjà des idées. Elle signe la lettre, devant nous. Sur sa cuisse droite, elle vient d’ajouter un nouveau tatouage, en anglais, à sa collection déjà nombreuse. Une citation attribuée à la peintre féministe mexicaine Frida Kahlo : «At the end of the day we can endure much more than we think we can.» «Au final, on est capable de supporter bien plus que ce que l’on croyait.»
Pour ce cas de la «dénonciation imaginaire», elle a rendez-vous devant le juge le 8 octobre. Par ailleurs, elle doit également comparaître devant le tribunal correctionnel «pour violences en état d’ébriété» à la suite d’une rixe survenue place de la Bastille, en août. Sur ce point, elle affirme toujours que ce sont ses amis et elle qui ont été provoqués.
Quentin Girard, Libération du 25 septembre 2014, article publié sous le titre de « Amina Sboui : Mon mensonge était un appel au secours».
Original de la lettre d'Amina Sboui au quotidien Libération.