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C’est la charia qui a tué Chokri Belaïd


8 Février 2013

L'assassinat de Chokri Belaïd a provoqué l'indignation en Tunisie et à l'étranger. Ici, la réaction de l'universitaire Salem Ben Ammar, l'un des rédacteurs réguliers de Tunisie-Secret.


C’est la charia qui a tué Chokri Belaïd
Il n’y a pas de mots pour qualifier ce lâche et ignoble  assassinat. D'ailleurs il n'y a pas pire indécence que de qualifier l'inqualifiable. Avec ce meurtre à mettre l'actif de la Tunisie wahhabisée tendance barbare, on a atteint le sommet de l'ignominie humaine. Ses meurtriers ont-ils d'ailleurs un fonds d'humanité en eux ? Il est à douter qu'ils soient dotés d'attributs humains. Tellement aveuglés par leur haine d'eux-mêmes, qu'ils la transforment en pulsions meurtrières pour nourrir la bâte abominable qui prospère en leur sein, jamais insatiable et repue. Ils ont perdu toute leur humanité, le jour où leur âme tourmentée avait cru trouver son salut dans les drogues toxiques que les marchands des illusions d'un lupanar divin est au bout de leur propre-autodestruction et celle d'autrui.

Combien sont-ils aujourd'hui dans un pays comme la Tunisie, à faire don de leur vie et bien souvent celle de ce qui est différent de soi, comme Chokri Belaïd, pour être parmi les élus au paradis promis ? Des dizaines, des centaines de milliers ? Des desperados qui pensent avoir trouvé issue dans la désacralisation du vivant pour échapper à l'amertume de leur propre destin en brisant d'autre destin. Une vie misérable dont ils pensent y échapper à travers les promesses de prébendes divines que les rabatteurs de Dieu leur inculquent en faisant de l'autre le bouc-émissaire de leur pathologie psychosociale et dont l'élimination physique est une nécessité impérieuse pour s'ouvrir la voie royale pour les festivités auxquelles sont conviées les plus dévoués à la cause d'un Dieu de plus en plus exigeant et mortifère.

Tuer n'est pas un crime en soi à leurs yeux, c'est un acte libérateur et transcendantal, le gain de leur propre vie dans une autre vie qui ne se réalise que par une sorte de sacrifice d'Abraham. Il peut arriver que le sacrificateur soit aussi le sacrifié. Dans l'eschatologie musulmane, la fin du cycle de la vie est décidée par Dieu. Quand on tue autrui, il ne s'agit pas de meurtre en tant que tel, il s'agit d'un acte accompli selon la volonté de celui qui l'ordonne et dont l'exécutant est dépourvu. Selon la loi absconse et inique de l'islam -la Charia-, l'homme n'est jamais responsable de ses actes. Tout ce qu'il fait incombe à Dieu et pour Dieu. En l'occurrence, un Dieu gratifiant ses fidèles les plus zélés qui le vengent de tous ceux qui présentent une entrave à l'exercice de sa souveraineté absolue sur les hommes.

Les auteurs de l'assassinat de Chokri Belaïd comme ceux naguère de Djaout en Algérie, n'ont fait qu'accomplir un acte purificateur, de salubrité musulmane, dans le respect des prescrits de leur foi qui leur ouvre la voie aux récompenses paradisiaques promises. Connus pour ne pas avoir aucune des instances de la personnalité à cause des drogues dures dont ils sont gavées, ils n'ont aucune conscience de la portée de leurs actes, sauf leur forte conviction et leur obsession hallucinatoire que le mal n'en est pas, infliger un mal à autrui, c'est faire le bien pour Dieu en le vengeant de ceux qui lui font du mal et un bien à eux-mêmes, à leur résurrection.

La Tunisie est prise dans l'engrenage de l'insensé et l'absurde où la violence est dépénalisée pour devenir un acte légitime s'il s'inscrit dans le cadre de la charia. Les assassins ont ainsi un bel avenir devant eux. Chokri Belaïd n'a pas été tué, il a juste mérité sa mort dans le sens de la charia. La charia dont l'application se fait de plus en plus jour en Tunisie ne va pas se déjuger elle-même pour rendre justice à un homme qui a violé ses règles. L'Islam a l'art de déculpabiliser les meurtriers et d'infliger la double-peine aux victimes. Il y a peu de chance que justice ne soit rendue à Chokri Belaïd. Une justice se voulant infaillible et immanente, ne va pas elle-même commettre un sacrilège pour un homme condamné sans aucune forme de procès parce qu'il avait une conception humaine, juste et équitable de la justice.
Tunisie-Secret.com

Salem Ben Ammar

 
 


           


1.Posté par ridha souissi le 12/02/2013 09:14
Une analyse on ne peut mieux pertinente mais quelque peu pessimiste ! Il a un facteur très important dans cette tragédie humaine : c’est la volonté du Tunisien avisé et conscient du danger qui le guette et guette sa progéniture ,cette volonté à se défendre d’abord au nom même de cette religion déroutée dévoyée de ses prémisses fondamentaux d’amour , de tolérance et d’acceptation de l’autre si différent de soi-même !Les versets qui glorifient ces qualificatifs ne manquent pas , il suffit de les mettre en exergue par ceux qui ne craignent ni la mort ni le Khoumaini Tunisien ni ses escadrons de la mort , « les gardiens de la Révolution » !
Il y a aussi ce sursaut qui se manifestera , surement, des Tunisiens qui n’ont pas vendu leurs âmes au diable des renseignements étrangers ou à l’avidité politique d’un mini Etat qui essaie de jouer dans la cour des Grands, sursaut animé par l’amour du prochain , par l’attachement à son authenticité de Tunisien avec ses composantes historiques et civilisationnelles trois fois millénaires : afro-arabo-musulmanes !
Signe avant coureur en est ,ces alliances ,ces unions entre des partis qui ont quand même leur poids sur la scène politique et que le Khoumayni tunisien et ses adeptes commencent à redouter ,la campagne de dénigration en jetant l’anathème sur les uns et l’opprobre sur les autres est significatif et démontre que ces psychopathes sont aux abois , puisqu’ils sont arrivés à se désavouer ou plutôt à désavouer ceux qui parmi eux sont regagnés par une prise de conscience et une lucidité d’esprit pour saisir le danger qui nous guette tous et notre PATRIE !

2.Posté par Nino G. Mucci le 10/03/2013 11:28
Je comprends le ressentiment intellectuel et humain que le journaliste Salem Ben Ammar exprime. Et je lui donne raison.

Puisque le thème traité peut se comprendre un attaque au fait religieux tout-court, je me permet une petite apologie de ma foi chrétienne sur le thème contre l'influence du nietzschéisme si souvent repris en terre de Maghreb, juste pour éloigner certains arguments équivoques. Ayant bravé les ébats provocateurs et stériles des certains cercles, je conseille plutôt Schopenhauer qu'un philosophe se jetant dans les gouffres de la folie (sic pour Nietzsche). Jamais on osera croire à un retour à la raison dans le fait politique tunisien, déjà plongé dans le chaos, par les appels à l'auto-destruction spirituelle.

Ne serait que pour rendre un petit hommage à la vision humaine de Gibran Khalil Gibran, qui écrivit des belles pages sur le thème, et il est universellement considéré un acteur principal de la vraie Nahda, qui est l'affiche d'un épanouissement de la pensée arabe, de sa créativité linguistique, poétique, littéraire, philosophique, religieuse et morale. (Entre parenthèse, je me suis trouvé à corriger sur Wikipédia, l'encyclopédie universelle en ligne, la voix "Nahda" auparavant présentée par un strict aperçu historique conduisant à célébrer l'idéologie fondamentaliste du parti, voyons donc à quel point on défigure la culture quand c'est un 'nahdawy' en politique qui écrit!)

Khalil Gibran a écrit une belle page en prose arabe, Le Crucifié, qui est restée inédite jusqu'à sa traduction en français publiée dans la série "Question de" -Khalil Gibran, par l'éditeur Albin Michel. A vous de faire cette belle lecture, si vous en trouvez l'occasion. De ma part la question de la mort et sacrifice du Christ, le Fils de Dieu qui est Sauveur, par rapport à une vision théologique délicate et complexe, qui peut s'affronter aussi à un contexte philosophique provocateur, est enfin simplement réduite à un dimensionnement humain et compréhensible. Le Père ne se réjouit pas de la mort, mais Il souffre dans le Fils (la Parole qui de fait homme). On peut recourir au concept humain de "travail" pour comprendre cette dynamique. "Travail" peut dans son étymologie signifier aussi douleur; l'homme parvient à ses conquêtes spirituelles sur la matière par le travail, donc par la souffrance, le sacrifice, "la sueur" de son front. La conquête du Messie pour l'homme passe par le "travail de la Croix" pour devenir la conquête de l’Éternité, le triomphe de la Vie sur la mort. Cette conquête concerne l'humanité pour la pousser à un niveau de conscience cosmique, être partie de l'Univers infini et insaisissable, et à un niveau supérieur de fraternité qui bannit la mort, même dans les formes traditionnelles de la Justice.
Le fait que le Messie, le Roi d'Israël, avec scandale des Juifs, ai souffert et mort sur la croix, est déjà le dépassement de la Loi (Thora) et l’accomplissement divin (et jamais humain) de celle-ci. Cette offre est censée libérer l'homme de la peine de mort, elle signifie le rejet de toute violence faite au nom d'un Loi, soit-elle considérée divine- qui ne peut qu'être transitoire vers la rencontre de Dieu et la Paix finale.

Or le récit de la Passion (autre terme qui veut signifier sacrifice et souffrance) du Christ est le haut moment de cette rencontre, car l'homme, par le Christ, a rejoint Dieu et accompli la Justice, en mettant fin à l'ordre ancien basé sur la simple obéissance aux préceptes. La dimension religieuse devient l'oeuvre de la foi, une foi qui doit être active dans la charité, l'amour du prochain, le pardon et la confession des nos manquements. Elle devient commandement intérieur.

Nous voyons donc où la vision islamique devient affligeante. Elle est basé par contre essentiellement sur l'application des préceptes, ordres et dispositions juridiques, "chariatiques", parfois pris à la lettre, pour devenir le support de l’orgueil puéril si non diabolique des salafistes, et sur la menace immédiate d'une punition physique ou d'une mise à mort dégradante, comme la crucifixion, qui est commandée par le Coran dans la sourate al-Maidah, verset 33, significativement citée par l'ancien ministre de la Justice, l'islamiste Bhiri et d'une application révoltante pour la grande majorité des Tunisiens.

La déconstruction du discours violent de certains passages coraniques que les Soufies ont entamée dans le cours de siècles est également bannie et jugée un acte de "mécréant" par les émirs de la violence salafiste, qui s'accrochent volontiers à des hadiths ou à une biographie (Sira) de Mahomet qui ont des aspects critiques reconnus par les spécialistes du calibre de Mohammed Talbi.

Nous pouvons affirmer donc que beaucoup de Tunisiens attendent encore la possibilité de pouvoir faire une véritable "révolution" de leurs consciences par le simple questionnement et la libre recherche. Le problème pourtant restera celui de pouvoir communiquer et affirmer
dans les respects des règles du bon sens les résultats de leur vécu dans un environnement de despotisme identitaire islamiste et les méthodes connues par le parti "En-nahda", qui ne possède même pas son nom, évidemment calqué sur un mouvement intellectuel historique (apparu au XIX siècle) et qui le dépasse largement.

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