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Limogeage diplomatique, désignation dynastique, par Mezri Haddad


9 Août 2016

La nomination de Youssef Chahed en remplacement de monsieur Habib Essid a suscité plusieurs réactions controversées, les unes approuvant ce changement sous prétexte de rajeunissement de l'équipe dirigeante, les autres la dénonçant parce qu'elle serait d'essence beylicale et de finalité américaine, Youssef Chahed ayant été longtemps au service de l'USAID. Nous reproduisons ici la réaction de Mezri Haddad sur sa page facebook.


Mezri Haddad, ancien Ambassadeur de Tunisie à l'UNESCO.
Mezri Haddad, ancien Ambassadeur de Tunisie à l'UNESCO.
Il s’agit du limogeage à peine déguisé d’Habib Essid, un technocrate de « l’ancien régime », sans charisme et sans aucune envergure politique, et de son remplacement par un certain Youssef Chahed, tout juste sorti de « l’élite » post-révolutionnaire, dont certains médias aux ordres du pouvoir politique ou des nouveaux réseaux financier nous dressent les multiples qualités objectives ou imaginées : sa jeunesse, sa filiation par rapport à Radhia Haddad, ses hautes « compétences » universitaires en matière d’agronomie, son remarquable parcours au sein de l’ambassade des Etats-Unis et au service de son pays ( !), et même son look européen, une qualité majeure pour ceux, nombreux encore au pays du jasmin, qui souffrent du complexe du colonisé.

Comme à l’époque où un illustre inconnu, Mehdi Jomaa, squattait le même fauteuil qu’occupaient jadis et naguère Hédi Nouira, Mohamed Mzali, Hamed Karoui et Mohamed Ghannouchi, j’ai lu les nombreux commentaires et appréciations de mes amis sur facebook ; j’en partage certains et rejette d’autres. J’ai également lu les articles dithyrambiques de certains médias vis-à-vis de Youssef Chahed, et les billevesées qui le stigmatisent. Ce qui m’a le plus tristement amusé, ce sont les propos laudateurs qui ressemblent fort bien à des demandes d’embauche. A vos CV les amis, l’Etat en faillite recrute encore et les cabinets ministériels, pas encore constitués, sont à la recherche des « hautes compétences » qui foisonnent en Tunisie depuis que la médiocrité et l’incompétence sont au pouvoir ! Que c’est affligeant tout cela. Que c’est triste pour un pays qui, de 1956 à 2011, avait fait de la méritocratie et du patriotisme les seuls critères de sélection pour la gouvernance.

L’annonce du futur et hypothétique gouvernement devrait pourtant me réjouir ne serait-ce que parce qu’il compte en son sein plusieurs ministres et secrétaires d’Etat amis qui viennent précisément du régime méritocratique que les conspirateurs et les traîtres ont détruit. Si leur nomination est officialisée, je leur souhaite bon courage et les félicite de retrouver les fonctions ministérielles qu’ils occupaient sous la République souveraine de Ben Ali. Si tel n’est pas le cas, je les félicite aussi de rester à l’écart des compromissions et en réserve de la République Souveraine qui rejaillira des entrailles du patriotisme non encore vaincu.

On a beaucoup glosé sur les raisons qui devaient porter à la chefferie du gouvernement, et je ne dis pas au premier ministère, le jeune Chahed, et beaucoup moins sur les causes de renvoi du pas assez vieux Habib Essid. Mais nul ne s’est posé la question essentielle : pourquoi Béji Caïd Essebsi et son complice et alter ego Rached Ghannouchi ont-ils décidé maintenant de virer celui que le sacro-saint dogme du « consensus » a désigné comme chef de gouvernement, que le quartet nobélisé a cautionné et que l’Assemblée « nationale » des opportunistes, des suivistes et des équilibristes a légitimé ?

Pour moi, un tel revirement ne vient pas d’en bas mais de haut, de très haut, par-delà le ciel tunisien ! Nos « libérateurs », nos bailleurs qui obéissent à la seule loi de l’argent et aux exigences mercantilistes de leurs gouvernements, ont décrété la fin de la récréation « révolutionnaire » et très « démocratique ». Plus question que les « gueux » fassent la loi. Des sacrifices sociaux vont devoir s’imposer, des décisions de gestion rigoureuse des finances publiques et privées vont devoir être prises. Sinon, plus aucun dollar ou euro de crédit, si onéreux soit-il pour le contribuable tunisien s’il en reste ! Plus de crédit, cela signifie en clair plus d’investissements étrangers, plus de liquidité pour payer les salaires de l’armada de fonctionnaires, dès le mois d’octobre prochain. Cela signifie plus de pension de retraite ni de remboursement de la caisse de sécurité sociale. Cela signifie quasiment plus rien à manger pour les 85% de Tunisiens…Cela signifie faillite de l’Etat dont le gouverneur de la Banque centrale désigné par les Frères musulmans locaux diffère d’ailleurs l’annonce depuis près de deux ans.

Pourquoi donc les hauts dirigeants et supplétifs de Nidaa Ennahda ont-ils décidé de changer de Premier ministre ? Je pense, j’en suis quasiment certain, parce qu’un tournant décisif, en matière de Souveraineté (privatisation du foncier agricole et des terres domaniales) et de politique économique (davantage de libéralisation) va être pris dans les semaines qui viennent. Béji Caïd Essebsi s’est ainsi trouvé obligé de changer de gouvernement en contrepartie des crédits en suspend et de concessions, à des pays et des entreprises étrangères, inédites dans l’Histoire de la Tunisie, à l’exception peut-être de celles exigées par l’Etat colonial avant et après le traité du Bardot en 1881.

On m’objecterait que M.Essid aurait pu exécuter les nouvelles exigences de nos “libérateurs” d’autant plus que la loi sur la privatisation des terres agricoles a été finalisée par son gouvernement et qu’elle est en phase d’adoption par des députés vendus. Sans doute. Mais en l’occurrence, le « libérateur » préfère avoir comme maître d’œuvre un novice en politique, qui plus est rompu aux compromis et compromissions avec l’USAID, dont il a été un fonctionnaire chargé des questions agricoles et alimentaires, plutôt qu’un ancien technocrate de l’ancien régime.

C’est probablement en raison de la gravité des décisions qui ont été prises, qui vont être appliquées dans les semaines qui viennent et qui figuraient peut-être dans le document que Mohsen Marzouk a signé à Waashington, que Béji Caïd Essebsi, qui est au crépuscule de sa vie et qui est très soucieux du tribunal de l’Histoire, a voulu impliquer le maximum de personnalités politiques respectables, qu’elles viennent de l’ex RCD ou de l’opposition libérale.

En proposant leurs noms dans la composition du futur gouvernement, le locataire de Carthage et architecte de la débourguibisation n’est point dans la reconnaissance des seules compétences capables de redresser ce pays, encore moins dans la réconciliation nationale, mais dans une démarche machiavélique qui leur fera perdre leur crédibilité en même temps qu’elle achèvera ce qui reste de la Souveraineté tunisienne.

Mezri Haddad        


           


1.Posté par Farhat le 09/08/2016 20:08
Merci Mr Haddad pour cette analyse claire et pertinente que je partage totalement .
Mais avouez le , vous êtes aussi déboussolé que nous devant cette grave situation . La société civile
est complètement épuisée et lessivée . Que peut on faire ?? Proposez nous une ligne de conduite .
Je suis presque certain que vous êtes aussi dépourvu que nous .

2.Posté par Zak Younes el GHARBI le 12/08/2016 23:58
Monsieur Haddad
J'ai toujours apprécié vos percuttents et lucides commentaires.
Toutefois Ne pensiez vous pas que vous auriez pu être acteur et non spectateur du fatal délabrement de l'état tunisien.
Vous avez les moins intellectuels et l'idoine compétence.
Ne ratez pas le virage historique de votre brillante carrière.....

3.Posté par Léon le 23/08/2016 02:11
Un Grand Mezri dans tout son art. L'un des rares esprits libres qui résiste encore à la colonisation voulue par les lobbies connus de tous, et applaudie par les gueux locaux, dans une mascarade historique nommée révolution du jasmin. Jamais le jasmin n'a autant pué la trahison et la haine.
Bravo Mezri pour cet article! Tu feras certainement partie du premier gouvernement souverain lorsque la Tunisie aura recouvert sa souveraineté. C'est le but de notre combat. NOUS écrirons l'Histoire et ne laisserons pas les traitres l'écrire. Les vérités se diront bientôt, au grand dam des comploteurs et de leurs suppos locaux. Ce jour-là les tunisiens se rendront compte de ce qu'ils auront perdu! Et ils s'en rongeront le coeur de regret.
Les suppos des antennes des services secrets étrangers, venus gouverner depuis un triste 14 janvier n'oseront même plus se montrer et quitteront le pays pour se faire oublier.
Les PATRIOTES auront le dernier mot. Mon flair mathématique ne m'a jamais trompé ya Mezri!
L'Usaid a rouvert boutique en Tunisie cette année après presque deux décennies d'absence. Elle avait quitté la Tunisie lorsqu'elle fut "remerciée" par Ben Ali car il n'aime pas être espionné (comme tout grand chef d'état qui se respecte). La voilà qui nomme l'un de ses anciens aujourd'hui.
La Tunisie est au plus bas. On attend un peu que le peuple se rende compte de l'énormité de ses actes, puis on viendra reconstruire ce que les traitres ont détruit. Seuls nous autres avons les solutions car le sang qui coule dans nos veines est celui qui coulait jadis dans celui des patriotes qui ont libéré notre ays du joug de la colonisation.
On vaincra!

Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
Résistant souverainiste.

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.

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