Moncef Ben Salem, l'islamo-terroriste devenu ministre, en compagnie du Proconsul des USA en Tunisie, Jacob Walles.
Après le verdict de la cour de sûreté de l’Etat, les exactions sauvages de la police et les milliers de jugements, tous iniques et sans fondement juridique, prononcés par des juridictions régionales, nous avons appris que Bourguiba avait reçu son ministre Sayah (Mohamed) et lui avait demandé de préparer un second procès au cours duquel trente têtes de chefs islamistes devraient être coupées.
C’est ainsi que nous avons eu l’idée de nous opposer par la force à la folie de Bourguiba et de ses sbires. Ainsi est né « Le Groupe Sécuritaire » que nous avons baptisé « Groupe de Salut National ». Le temps n’est pas venu pour révéler publiquement tous les détails de sa constitution, mais il s’est formé rapidement et comprend un certain nombre de militaires et d’agents de sécurité de tout grade, ainsi que des civils.
Le Groupe s’est fixé un seul objectif : écarter du pouvoir Bourguiba et tous ceux qui sont dans sa voie. Quant aux moyens pour y parvenir, ils étaient pacifiques autant que cela était possible. C’est ainsi que nous avons fait ramener de l’étranger cinq mille(5.000) bombes lacrymogènes que nous avons testé sur nos personnes pour nous assurer qu’elles ne feraient pas trop de mal aux personnes visées. Le rôle de la bombé lacrymogène est de neutraliser la personne visée pendant une demi heure.
Les autres moyens de défense tels que les armes à feu, les chars et les avions militaires étaient entre les mains des éléments du Groupe et tout ce qui ne l’était pas devrait être neutralisé systématiquement et avec précision, quelques heures avant le début de l’action. Nous avons fait tout pour que l’opération repose sur les éléments de base plus que sur le commandement. Nous avons aussi planifié l’intervention des éléments civils deux ou trois heures après le début de l’action. Tunis avait connu une grande agitation populaire sans précédent et les manifestations populaires mobilisaient des dizaines de milliers de gens malgré la violence de la police.
Le commandement s’est réuni le 15 octobre 1987. Nous avons évalué nos moyens et nos positions et avons décidé que le 7 novembre 1987 sera le dernier jour de Bourguiba au pouvoir. C’est ce qui s’est passé réellement.
Aux premiers jours du mois de novembre 1987, nous avons appris que Bourguiba avait reçu Sayah (Mohamed) et lui avait demandé de préparer un décret le nommant premier ministre en remplacement de Ben Ali et qu’en échange il devrait faire couper trente têtes d’islamistes. Sayah lui avait répondu qu’il devrait attendre sa nomination jusqu’au lundi 9//11/1987.
Pourquoi cette date ?
Nous avions appris de milieux proches de Sayah que ce dernier avait conseillé de retarder sa nomination au premier ministère parce qu’il avait en tête un stratagème lui permettant de liquider Ben Ali et les islamistes d’un seul coup et ce le 8 novembre 1987, fête de l’arbre, que Ben Ali devrait présider à la place de Bourguiba dans un parc de El Manar, dans la proche banlieue de Tunis. Ainsi il sera éliminé et on accusera les islamistes de ce coup. Leur procès s’imposera de lui-même et l’objectif de Bourguiba sera ainsi atteint.
En fait les choses s’étaient passées autrement. La plupart des membres du Groupe Sécuritaire étaient des islamistes mais il y en avait aussi qui ne l’étaient pas. Il s’agissait néanmoins d’hommes valeureux et de confiance, connus pour leur amour de la patrie et leur haine du régime de Bourguiba. A l’époque la question qui revenait le plus dans les discussions des gens étaient « n’y aurait-il pas dans ce pays, un homme qui écarterait Bourguiba et délivrerait la nation de son hystérie » ?
Le 5/11/1987/ un membre du troisième cercle du Groupe, agent de la Brigade de l’Ordre Public de son état, a écrit une lettre-testament à l’attention de son oncle. Ce dernier est intrigué par son contenu car l’ambiance générale pousse à la suspicion. Il demande des explications au neveu et jure de garder le secret. Le neveu les lui donne. Ce dernier n’avait pas accès à beaucoup de secrets car il appartenait au troisième cercle. Il savait seulement qu’en compagnie de trois de ses collègues, il devrait saboter certains véhicules à la caserne de la brigade de l’Ordre public le 07/11/1987. L’oncle, adjudant-chef infirmier au dispensaire de la police n’a pas tenu sa promesse et s’est empressé de révéler tout au ministre de l’intérieur qui n’était autre que Ben Ali, premier ministre.
Le même jour, l’agent indiscret et ses trois compagnons sont arrêtés. Répétons-le, les quatre ne savaient pas grand-chose sur ce qui devrait se passer le 7/11/1987.Le pouvoir qui connaît le poids des islamistes ne peut donc déjouer l’opération. D’autre part tous les services secrets occidentaux et à leur tête les américains, malgré leur puissance et leur infiltration de tous les rouages de l’Etat, n’ont rien su de l’opération. Le moment est grave pour le régime !
Le 6/11/1987, se sont tenues deux réunions : la première, au ministère de l’intérieur sous la présidence de Ben Ali avec la participation de la plupart des ministres. Nous étions au courant de cette réunion.
La deuxième réunion s’était tenue dans une villa du Bardo, avec la participation d’un certain nombre de chefs des organismes du Groupe et sous ma présidence personnelle. Le pouvoir n’était pas au courant de cette réunion.
Les hommes du Groupe étaient aux positions avancées dans l’attente des ordres d’attaque ou l’heure « H » fixée pour chaque action. Quand Ben Ali et son groupe avaient commencé cette nuit –là leur entreprise de changement, nos hommes étaient aux avant-postes. Je cite à titre d’exemple, le commando qui a pris d’assaut le Palais de Carthage était sous les ordres de Sadok Ghodbane, un élément du Groupe. Il fut emprisonné avec nous par la suite après avoir eu un avancement et décoré par Ben Ali. L’hélicoptère, avec ses deux membres d’équipage, qui avait transporté Bourguiba de Carthage à Mornag était celui-là même que nous avions choisi pour la même mission. Le commandant de la salle d’opérations à El-Aouina qui avait en charge Tunis Est avec le Palais de Carthage et de nombreux points névralgiques était le Commandant Mohamed Mansouri , décédé sous la torture le 1//12/1987. Les deux gardes de corps de Ben Ali, décorés puis emprisonnés avec nous, étaient aussi des nôtres ».
Ma première arrestation :
Environ deux semaines après le changement, les quatre détenus ont été entendus de nouveau. Etant donné que Bourguiba a été écarté et que l’ambiance était à la détente, nos frères ont cru au nouveau discours déclarant que les derniers jours de Bourguiba étaient devenus insupportables et ainsi de nombreuses erreurs ont été commises. Ils ont pensé que Ben Ali allait ouvrir une nouvelle page et que la découverte du Groupe Sécuritaire ne comportait aucun danger. En principe Ben Ali devrait récompenser ceux qui l’ont aidé à effectuer le changement et qui étaient en mesure de le contrarier. Ainsi furent commises des erreurs et des fautes qui ont permis aux services de Sécurité de l’Etat d’arrêter cent cinquante sept (157) membres du Groupe. J’étais pratiquement le dernier à être arrêté le 26/11/1987 au soir.
Dans les geôles de la DST la torture était terrible provoquant même la mort, la paralysie, l’écorchement de la peau du crâne et les menaces sur les épouses. J’étais à la geôle 16 au quatrième étage. Je n’avais pas de toilettes et je n’avais le droit d’y aller qu’une seule fois par jour et juste pour une minute, si bien que je me suis abstenu de manger pour éviter une catastrophe hygiénique. La nourriture que même les chiens n’oseraient manger, nous était servie dans de vieilles boites de tomates rouillées. J’entendais les cris des suppliciés nuit et jour et je me demandais en mon for intérieur « Où est le changement ? Où est la déclaration du 7 novembre ? Où sont les promesses » ? Où est la sincérité des responsables » ?
L’instruction s’est poursuivie jusqu’au début de janvier 1988 après quoi nous avons été pris en charge par le juge d’instruction militaire. Je suis resté le dernier au ministère de l’intérieur en compagnie de l’élément qui avait permis de faire découvrir le Groupe. Il était devenu entre temps indicateur de la police. J’ai appris par la suite qu’il a reçu de l’avancement et qu’il a été envoyé dans une ambassade à l’étranger « Allah Seul le sait ». En tout cas il ne nous avait pas rejoints en prison et son nom ne figurait pas dans le procès verbal du juge d’instruction militaire.
Les autorités avaient essayé au début de nous couper du monde et nous sommes demeurés pendant une année sans moyens d’informations, ni télévision, ni journaux ni correspondance privée. Il nous est arrivé parfois de payer 10 Dinars à un détenu de droit commun pour avoir le journal Assabah, soit cinquante fois son prix normal et bien sûr en cachette. Et comme cela ne lui suffisait, le pouvoir a essayé de nous présenter à l’opinion publique comme une bande de malfaiteurs sans plus. Mais grâce à Dieu il n’y est pas parvenu, certains journaux avaient publié des articles sur les membres du groupe et leur cheminement avec une certaine crédibilité, ce qui nous valu le respect et la sympathie de l’opinion publique.
J’ai dit une fois au président de la justice militaire : nous ne serons pas jugés et lui de me demander pourquoi et comment? Parce que nous avons entrepris une action contre Bourguiba, répondis-je, exactement comme l’a fait votre président Ben Ali. Si nous devons être jugés, nous devrons remettre Bourguiba au pouvoir et nous serons jugés en même temps que Ben Ali et son équipe. C’est la logique ! Il me dit alors « vous êtes maintenant enfermés dans une bouteille et nous sommes en mesure de faire de vous ce que nous voulons sans que personne ne le sache ». Je lui répondis que c’est une erreur. Vous savez que de nombreux éléments du Groupe ont fui à l’étranger avec tous les documents, évalués à plus de cinq cents(500) pages. Ces éléments attendent les résultats de l’instruction et le procès pour publier tout ce qui peut l’être. Mon interlocuteur, surpris par mes déclarations, ne put me répondre.
Le pouvoir a essayé à travers ses médias de convaincre l’opinion tunisienne que nous étions un groupe de malfaiteurs et à reproduire dans les esprits ce que furent de tels procédés du temps de Bourguiba. Vainement !
Au cours de l’été 1988, les autorités ouvrirent des canaux de négociations avec nous. Feu Ahmed El Ketari, directeur général des prisons et très proche de Ben Ali y joua un rôle central. Le docteur Sahbi El Amri et moi-même représentions les détenus du Groupe Sécuritaire.
Le pouvoir nous a demandé de proposer une solution qui lui sauverait la face après avoir tant dénigré le Groupe injustement. Après de nombreuses discussions nous nous sommes entendus sur une solution qui convenait aux deux parties et qui consistait à faire libérer le groupe en trois fois :
Le premier en novembre 1988, le second en mars 1989 et le troisième en avril de la même année. J’étais dans ce groupe. D’autre part, il a été convenu qu’avant la libération de chaque groupe il sera versé à tous ses membres la totalité des salaires coupés depuis le premier jour. D’autre part, la libération se ferait par une décision qui arrêterait toutes les poursuites.
J’avais refusé et je continue à refuser toute demande de grâce, sous n’importe quelle forme, celle-ci n’a de sens que si elle s’adresse à Dieu ou à la victime mais non pas le contraire.
Nous avons convenu aussi de créer, à l’issue de la libération de tous les détenus, une commission bipartite composée de représentants des ministères de la défense et de l’intérieur d’une part et des représentants du groupe. Cette commission aura pour mission de veiller au retour des membres du groupe dans leurs fonctions antérieures ou de leur reclassement dans des postes équivalents.
Nos accords ont été en effet exécutés à l’exception des salaires des membres civils du groupe qui n’ont pas été versés et qui sont demeurés gelés jusqu’à maintenant.
J’ai quitté la prison le 4/5/1989 et j’étais en effet le dernier du groupe.
Moncef Ben Salem, le 26 mars 2003
Témoignage adressé en arabe à Ahmed Manaï qui l’a traduit et publié sur son site http://tunisitri.wordpress.com/2010/12/02/tunisie-1987-mti-groupe-securitaire/ , avec cet extrait de sa présentation :
En date du 26/03/2003, j’ai reçu du docteur Ben Salem un document d’une cinquantaine de pages, dont trois (3) traitent directement de l’affaire du Groupe sécuritaire. C’est ce texte de trois pages, traduites, que je livre aux tunisiens, vingt trois ans après les faits, convaincu qu’ils ont le droit et le devoir de savoir …
Au cours de ces dernières années j’ai enquêté sur cette affaire notamment auprès de certains anciens officiers exilés, impliqués dans cette mésaventure ainsi qu’auprès de Salah Kerker, président du MTI jusqu’au mois d’octobre 1987. Le plus illustre d’entre eux, l’ancien capitaine et récidiviste Abdel Hamid Addassi, auquel j’avais envoyé le texte de Ben Salem en 2006, me répondît que « c’était vrai mais un peu exagéré » ! J’aurai souhaité savoir ce qu’en pense aujourd’hui Rached Ghannouchi, lui qui avait déclaré en 1988 « qu’elle n’engageait pas son mouvement ».
Ahmed Manai
C’est ainsi que nous avons eu l’idée de nous opposer par la force à la folie de Bourguiba et de ses sbires. Ainsi est né « Le Groupe Sécuritaire » que nous avons baptisé « Groupe de Salut National ». Le temps n’est pas venu pour révéler publiquement tous les détails de sa constitution, mais il s’est formé rapidement et comprend un certain nombre de militaires et d’agents de sécurité de tout grade, ainsi que des civils.
Le Groupe s’est fixé un seul objectif : écarter du pouvoir Bourguiba et tous ceux qui sont dans sa voie. Quant aux moyens pour y parvenir, ils étaient pacifiques autant que cela était possible. C’est ainsi que nous avons fait ramener de l’étranger cinq mille(5.000) bombes lacrymogènes que nous avons testé sur nos personnes pour nous assurer qu’elles ne feraient pas trop de mal aux personnes visées. Le rôle de la bombé lacrymogène est de neutraliser la personne visée pendant une demi heure.
Les autres moyens de défense tels que les armes à feu, les chars et les avions militaires étaient entre les mains des éléments du Groupe et tout ce qui ne l’était pas devrait être neutralisé systématiquement et avec précision, quelques heures avant le début de l’action. Nous avons fait tout pour que l’opération repose sur les éléments de base plus que sur le commandement. Nous avons aussi planifié l’intervention des éléments civils deux ou trois heures après le début de l’action. Tunis avait connu une grande agitation populaire sans précédent et les manifestations populaires mobilisaient des dizaines de milliers de gens malgré la violence de la police.
Le commandement s’est réuni le 15 octobre 1987. Nous avons évalué nos moyens et nos positions et avons décidé que le 7 novembre 1987 sera le dernier jour de Bourguiba au pouvoir. C’est ce qui s’est passé réellement.
Aux premiers jours du mois de novembre 1987, nous avons appris que Bourguiba avait reçu Sayah (Mohamed) et lui avait demandé de préparer un décret le nommant premier ministre en remplacement de Ben Ali et qu’en échange il devrait faire couper trente têtes d’islamistes. Sayah lui avait répondu qu’il devrait attendre sa nomination jusqu’au lundi 9//11/1987.
Pourquoi cette date ?
Nous avions appris de milieux proches de Sayah que ce dernier avait conseillé de retarder sa nomination au premier ministère parce qu’il avait en tête un stratagème lui permettant de liquider Ben Ali et les islamistes d’un seul coup et ce le 8 novembre 1987, fête de l’arbre, que Ben Ali devrait présider à la place de Bourguiba dans un parc de El Manar, dans la proche banlieue de Tunis. Ainsi il sera éliminé et on accusera les islamistes de ce coup. Leur procès s’imposera de lui-même et l’objectif de Bourguiba sera ainsi atteint.
En fait les choses s’étaient passées autrement. La plupart des membres du Groupe Sécuritaire étaient des islamistes mais il y en avait aussi qui ne l’étaient pas. Il s’agissait néanmoins d’hommes valeureux et de confiance, connus pour leur amour de la patrie et leur haine du régime de Bourguiba. A l’époque la question qui revenait le plus dans les discussions des gens étaient « n’y aurait-il pas dans ce pays, un homme qui écarterait Bourguiba et délivrerait la nation de son hystérie » ?
Le 5/11/1987/ un membre du troisième cercle du Groupe, agent de la Brigade de l’Ordre Public de son état, a écrit une lettre-testament à l’attention de son oncle. Ce dernier est intrigué par son contenu car l’ambiance générale pousse à la suspicion. Il demande des explications au neveu et jure de garder le secret. Le neveu les lui donne. Ce dernier n’avait pas accès à beaucoup de secrets car il appartenait au troisième cercle. Il savait seulement qu’en compagnie de trois de ses collègues, il devrait saboter certains véhicules à la caserne de la brigade de l’Ordre public le 07/11/1987. L’oncle, adjudant-chef infirmier au dispensaire de la police n’a pas tenu sa promesse et s’est empressé de révéler tout au ministre de l’intérieur qui n’était autre que Ben Ali, premier ministre.
Le même jour, l’agent indiscret et ses trois compagnons sont arrêtés. Répétons-le, les quatre ne savaient pas grand-chose sur ce qui devrait se passer le 7/11/1987.Le pouvoir qui connaît le poids des islamistes ne peut donc déjouer l’opération. D’autre part tous les services secrets occidentaux et à leur tête les américains, malgré leur puissance et leur infiltration de tous les rouages de l’Etat, n’ont rien su de l’opération. Le moment est grave pour le régime !
Le 6/11/1987, se sont tenues deux réunions : la première, au ministère de l’intérieur sous la présidence de Ben Ali avec la participation de la plupart des ministres. Nous étions au courant de cette réunion.
La deuxième réunion s’était tenue dans une villa du Bardo, avec la participation d’un certain nombre de chefs des organismes du Groupe et sous ma présidence personnelle. Le pouvoir n’était pas au courant de cette réunion.
Les hommes du Groupe étaient aux positions avancées dans l’attente des ordres d’attaque ou l’heure « H » fixée pour chaque action. Quand Ben Ali et son groupe avaient commencé cette nuit –là leur entreprise de changement, nos hommes étaient aux avant-postes. Je cite à titre d’exemple, le commando qui a pris d’assaut le Palais de Carthage était sous les ordres de Sadok Ghodbane, un élément du Groupe. Il fut emprisonné avec nous par la suite après avoir eu un avancement et décoré par Ben Ali. L’hélicoptère, avec ses deux membres d’équipage, qui avait transporté Bourguiba de Carthage à Mornag était celui-là même que nous avions choisi pour la même mission. Le commandant de la salle d’opérations à El-Aouina qui avait en charge Tunis Est avec le Palais de Carthage et de nombreux points névralgiques était le Commandant Mohamed Mansouri , décédé sous la torture le 1//12/1987. Les deux gardes de corps de Ben Ali, décorés puis emprisonnés avec nous, étaient aussi des nôtres ».
Ma première arrestation :
Environ deux semaines après le changement, les quatre détenus ont été entendus de nouveau. Etant donné que Bourguiba a été écarté et que l’ambiance était à la détente, nos frères ont cru au nouveau discours déclarant que les derniers jours de Bourguiba étaient devenus insupportables et ainsi de nombreuses erreurs ont été commises. Ils ont pensé que Ben Ali allait ouvrir une nouvelle page et que la découverte du Groupe Sécuritaire ne comportait aucun danger. En principe Ben Ali devrait récompenser ceux qui l’ont aidé à effectuer le changement et qui étaient en mesure de le contrarier. Ainsi furent commises des erreurs et des fautes qui ont permis aux services de Sécurité de l’Etat d’arrêter cent cinquante sept (157) membres du Groupe. J’étais pratiquement le dernier à être arrêté le 26/11/1987 au soir.
Dans les geôles de la DST la torture était terrible provoquant même la mort, la paralysie, l’écorchement de la peau du crâne et les menaces sur les épouses. J’étais à la geôle 16 au quatrième étage. Je n’avais pas de toilettes et je n’avais le droit d’y aller qu’une seule fois par jour et juste pour une minute, si bien que je me suis abstenu de manger pour éviter une catastrophe hygiénique. La nourriture que même les chiens n’oseraient manger, nous était servie dans de vieilles boites de tomates rouillées. J’entendais les cris des suppliciés nuit et jour et je me demandais en mon for intérieur « Où est le changement ? Où est la déclaration du 7 novembre ? Où sont les promesses » ? Où est la sincérité des responsables » ?
L’instruction s’est poursuivie jusqu’au début de janvier 1988 après quoi nous avons été pris en charge par le juge d’instruction militaire. Je suis resté le dernier au ministère de l’intérieur en compagnie de l’élément qui avait permis de faire découvrir le Groupe. Il était devenu entre temps indicateur de la police. J’ai appris par la suite qu’il a reçu de l’avancement et qu’il a été envoyé dans une ambassade à l’étranger « Allah Seul le sait ». En tout cas il ne nous avait pas rejoints en prison et son nom ne figurait pas dans le procès verbal du juge d’instruction militaire.
Les autorités avaient essayé au début de nous couper du monde et nous sommes demeurés pendant une année sans moyens d’informations, ni télévision, ni journaux ni correspondance privée. Il nous est arrivé parfois de payer 10 Dinars à un détenu de droit commun pour avoir le journal Assabah, soit cinquante fois son prix normal et bien sûr en cachette. Et comme cela ne lui suffisait, le pouvoir a essayé de nous présenter à l’opinion publique comme une bande de malfaiteurs sans plus. Mais grâce à Dieu il n’y est pas parvenu, certains journaux avaient publié des articles sur les membres du groupe et leur cheminement avec une certaine crédibilité, ce qui nous valu le respect et la sympathie de l’opinion publique.
J’ai dit une fois au président de la justice militaire : nous ne serons pas jugés et lui de me demander pourquoi et comment? Parce que nous avons entrepris une action contre Bourguiba, répondis-je, exactement comme l’a fait votre président Ben Ali. Si nous devons être jugés, nous devrons remettre Bourguiba au pouvoir et nous serons jugés en même temps que Ben Ali et son équipe. C’est la logique ! Il me dit alors « vous êtes maintenant enfermés dans une bouteille et nous sommes en mesure de faire de vous ce que nous voulons sans que personne ne le sache ». Je lui répondis que c’est une erreur. Vous savez que de nombreux éléments du Groupe ont fui à l’étranger avec tous les documents, évalués à plus de cinq cents(500) pages. Ces éléments attendent les résultats de l’instruction et le procès pour publier tout ce qui peut l’être. Mon interlocuteur, surpris par mes déclarations, ne put me répondre.
Le pouvoir a essayé à travers ses médias de convaincre l’opinion tunisienne que nous étions un groupe de malfaiteurs et à reproduire dans les esprits ce que furent de tels procédés du temps de Bourguiba. Vainement !
Au cours de l’été 1988, les autorités ouvrirent des canaux de négociations avec nous. Feu Ahmed El Ketari, directeur général des prisons et très proche de Ben Ali y joua un rôle central. Le docteur Sahbi El Amri et moi-même représentions les détenus du Groupe Sécuritaire.
Le pouvoir nous a demandé de proposer une solution qui lui sauverait la face après avoir tant dénigré le Groupe injustement. Après de nombreuses discussions nous nous sommes entendus sur une solution qui convenait aux deux parties et qui consistait à faire libérer le groupe en trois fois :
Le premier en novembre 1988, le second en mars 1989 et le troisième en avril de la même année. J’étais dans ce groupe. D’autre part, il a été convenu qu’avant la libération de chaque groupe il sera versé à tous ses membres la totalité des salaires coupés depuis le premier jour. D’autre part, la libération se ferait par une décision qui arrêterait toutes les poursuites.
J’avais refusé et je continue à refuser toute demande de grâce, sous n’importe quelle forme, celle-ci n’a de sens que si elle s’adresse à Dieu ou à la victime mais non pas le contraire.
Nous avons convenu aussi de créer, à l’issue de la libération de tous les détenus, une commission bipartite composée de représentants des ministères de la défense et de l’intérieur d’une part et des représentants du groupe. Cette commission aura pour mission de veiller au retour des membres du groupe dans leurs fonctions antérieures ou de leur reclassement dans des postes équivalents.
Nos accords ont été en effet exécutés à l’exception des salaires des membres civils du groupe qui n’ont pas été versés et qui sont demeurés gelés jusqu’à maintenant.
J’ai quitté la prison le 4/5/1989 et j’étais en effet le dernier du groupe.
Moncef Ben Salem, le 26 mars 2003
Témoignage adressé en arabe à Ahmed Manaï qui l’a traduit et publié sur son site http://tunisitri.wordpress.com/2010/12/02/tunisie-1987-mti-groupe-securitaire/ , avec cet extrait de sa présentation :
En date du 26/03/2003, j’ai reçu du docteur Ben Salem un document d’une cinquantaine de pages, dont trois (3) traitent directement de l’affaire du Groupe sécuritaire. C’est ce texte de trois pages, traduites, que je livre aux tunisiens, vingt trois ans après les faits, convaincu qu’ils ont le droit et le devoir de savoir …
Au cours de ces dernières années j’ai enquêté sur cette affaire notamment auprès de certains anciens officiers exilés, impliqués dans cette mésaventure ainsi qu’auprès de Salah Kerker, président du MTI jusqu’au mois d’octobre 1987. Le plus illustre d’entre eux, l’ancien capitaine et récidiviste Abdel Hamid Addassi, auquel j’avais envoyé le texte de Ben Salem en 2006, me répondît que « c’était vrai mais un peu exagéré » ! J’aurai souhaité savoir ce qu’en pense aujourd’hui Rached Ghannouchi, lui qui avait déclaré en 1988 « qu’elle n’engageait pas son mouvement ».
Ahmed Manai