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Tunisie : Patria Vs Kaos (III/fin). Au bout de la nuit


5 Septembre 2013

Les deux articles antérieurs ont évoqué le choc émotionnel induit au sein de la population à la suite de l’assassinat du martyr Choukri Belaïd. Six mois après, celui du martyr Mohamed Brahmi a consacré par son aggravation de la souffrance du peuple la rupture définitive avec les tenants d’un pouvoir islamiste violent et criminel. Le gouvernement provisoire porte la responsabilité morale et politique de ces crimes. Dans l’intervalle, la population est passée de la phase émotionnelle de stupeur suivie de l’inhibition de l’action à la reprise de l’initiative de la lutte pacifique sur le terrain. Les partis de l’opposition ont pris acte de ce fait et suivent pas à pas la volonté souveraine du peuple.


Tunisie : Patria Vs Kaos (III/fin). Au bout de la nuit
Dans l’article précédent il était question d’éviter le registre de la psychopathologie au sujet des manifestations d’une souffrance collective induite, réactions normales à une situation anormale. Ceci dit, un nombre réduit de personnes hautement vulnérables et celles fragilisées par les circonstances tragiques des crimes impunis, par la dégradation de la vie économique et sociale peuvent évidemment bénéficier à leur demande d’un soin particulier et conséquent. Quant aux citoyens valides relativement souffrants mais résilients, l’essentiel est d’abord de rompre l’isolement aggravant. En ce sens, le politique –par différence avec la politique des partis–  semble s’ouvrir dans la conjoncture actuelle sur un espace de rencontre entre le collectif et le particulier à la fois au sein de l’agora où se manifeste la volonté du peuple et à travers l’action citoyenne dans la cité : deux interventions corrélatives et complémentaires.

«Soyez résolu de ne plus servir et vous voilà libre »
Sénèque repris par La Bœtie
(De la Servitude)

Eloge de la lutte 

 L’histoire des peuples qu’un accident de parcours a soumis à un pouvoir oppresseur, témoigne de leur capacité de résilience et de résistance –dans notre cas, face à la terreur appliquée par les moyens de l’Etat. La date du 14 janvier 2011 marque un de ces jalons libérateurs. Lorsque par la suite le peuple se rend compte qu’il vient d’être floué, menacé d’un nouvel esclavage, il tend naturellement à renouer avec le cours de sa lutte inachevée.  Comme nous le rappelle Sénèque, repris par La Bœtie ici en exergue, le premier pas vers la libération est la désobéissance, une forme de lutte pacifique déjà décidée par la majorité au Bardo.

En effet, une nouvelle vague oppressive s’est insidieusement glissée dans le tissu social menaçant de nous renvoyer vers le régime dictatorial précédent. Pire encore, les nouveaux prétendants au pouvoir absolu brandissent la menace à moyen terme d’une sorte d’holocauste monumental : négation systématique de notre histoire, notre identité nationale, notre culture plusieurs fois millénaire, l’Etat moderne et la ligne de nos frontières pour implanter un pouvoir théocratique, sorte de califat médiéval ouvert à tous les vents. S’il est vrai qu’un peuple oublieux de son histoire se condamne aux ténèbres de l’esclavage, le nôtre rafraichit sans cesse sa mémoire historique en reprenant le fil des hauts faits de sa lutte émancipatrice. Plus près de nous, la geste insurrectionnelle populaire qui a abouti au 14 janvier, nous remet en mémoire qu’aucun envahisseur n’a duré, aucune dictature n’a perduré et qu’il n’est point de salut pour le peuple hors la lutte pour récupérer sa souveraineté et sa dignité. Un peuple uni ne sera jamais vaincu. De la lutte populaire dépend le salut, resurgit l’énergie, renait l’espoir.

Dans la perspective de dépassement du choc émotionnel induit avec son cortège de malaise et de stress, l’insoumission véhémente, l’irrévérence collective et la désobéissance civile tendent à inverser jour après jour les effets de l’inhibition de l’action. La rencontre féconde du particulier et du collectif au sein de l’agora constitue un véritable creuset du politique articulé sur l’organisation cohérente de l’action politique partisane. Le développement des initiatives concertées de part et d’autre renforce et rétroalimente les énergies collectives.  A ce propos, rappelons –toute mesure gardée– la ligne judicieuse suivie par le peuple vietnamien dans sa résistance héroïque contre l’invasion ennemie. Ce peuple avait réussi à convertir sa souffrance et même la haine de l’envahisseur en une énergie de lutte constante pour assurer sa victoire.  Cette sage résolution politique et spirituelle manifestée dans la résistance multilatérale avait permis le dépassement de la souffrance par la volonté de lutte et de victoire de tout un peuple.

Le politique 

Les mouvements sociaux organisés par les citoyens libres –hors partis politiques– peuvent créer les conditions d’une pratique du politique pour le changement ici et maintenant par et pour les intéressés concertés et solidaires vers un meilleur-être collectif. Le politique prend sa source à point de départ du voisinage immédiat dans un mouvement horizontal ascendant hélicoïdal d’élargissement lent et prudent de l’aire d’action du changement. En ceci réside le politique en tant qu’outil social propre créé par et pour les besoins concrets des citoyens unis.

Du politique à la politique, disions-nous, une passerelle vient de promouvoir dans l’urgence un mouvement citoyen insurrectionnel et pacifique face au grand danger en la demeure, sous la forme du mouvement Erhal. En pleine canicule d’août, une vaste majorité de citoyens toutes générations et couches sociales confondues, idéologies et tendances partisanes mises sous le boisseau, manifestent à gorge déployée sur la place publique leur conscience aigue des dangers encourus par la Patrie. UGTT et UTICA main dans la main, le politique intégré au Front National du Salut (FNS) se rejoignent dans un corps social  unifié au sein de l’agora à travers la démocratie directe. Les rencontres de ce mois d’août, les 6, 13 et 24 expriment de façon pacifique la décision commune irrévocable de lutte contre le nouveau système oppressif d’un fascisme rampant ; et à la fois la libre volonté de changement d’un peuple digne, dépositaire de la souveraineté nationale.

Les participants à ces journées historiques toutes empreintes de gaité et d’optimisme, au milieu d’une forêt de drapeaux rouges dansant au gré de la brise estivale, ont rompu l’isolement né de la peur, renforcé l’énergie collective par un échange fraternel intense et spontané, affirmé une identité commune et la détermination farouche de faire plier le cours dangereux des évènements. Ils incarnent et reflètent dans un même élan la puissante motivation des martyrs et projettent loin devant eux le faisceau de lumière au bout de la nuit. Au premier rang, les jeunes et les femmes ouvrent la marche, renouent avec l’héroïsme de notre Intifadha, le sacrifice des générations antérieures de la lutte anticoloniale, et plus loin encore, celui des défenseurs de cette terre africaine à  travers les siècles.

L’action citoyenne dans la Cité

En dehors des situations de crise nationale où l’action se situe au sein de l’agora, le politique a pour terrain privilégié le concret praticable pour le changement. A travers les associations de voisinage l’action citoyenne dans la cité recherche les solutions accessibles basées sur une  évaluation interne des besoins, en fonction en priorité des ressources endogènes. D’une part, les initiatives mettent en œuvre les moyens matériels, financiers et humains en vue de solutions pratiques. Dans la foulée, le développement de ces énergies entraine la croissance du potentiel de la communauté, renforce les motivations et génère l’espoir.

D’autre part, l’humain ne vit pas que de pain –encore faut-il que le pain si précieux soit à la portée de tous. Les ressources endogènes sont investies également dans la protection, la conservation de l’environnement et son embellissement ; et dans l’apport essentiel des nourritures spirituelles : arts populaires et modernes, littérature nationale et universelle, toutes choses vitales telles les Cent Fleurs qui s’épanouissent librement dans un espace public ouvert à tous pour déclamer la poésie, danser, rire et chanter. En Bolivie cela s’appelle el mejor vivir.

Au bout de la nuit

L’initiative libérée des forces communautaires interactives et protagonistes au niveau local comme au sein de l’agora, constitue en fait le meilleur antidote contre l’isolement, le stress induit et les tendances dépressives produits par les forces du Mal. Encore faut-il  concevoir la lutte collective sous forme de relai générationnel, un processus créateur au long cours sur plusieurs volets et non pas l’espace d’un épisode qui se gagne ou se perd sur un coup de dé.

La volonté du peuple a finalement réussi à unir les forces patriotiques en vue de la réalisation inéluctable des objectifs de l’Intifadha : Shoghl, Hourria, Karama Watania (travail, liberté, dignité, patriotisme). Aux partis politiques rassemblés au sein du FNS de faire peau neuve, d’affirmer en acte et en résultat palpable leur vœu de fidélité aux martyrs et aux vivants, au peuple décidé à mourir plutôt que de vivre dans l’esclavage. Le peuple est invincible uni autour du seul drapeau national et par le chant patriotique avec son cri vibrant de lutte et de victoire.

Rashid SHERIF

Note de la rédaction


Parce que la censure n’est pas notre pratique, nous publions cette dernière analyse d’une série de trois, que l’auteur a bien voulu nous adresser. Nos lecteurs connaissent notre opinion sur la pseudo-révolution du jasmin et sur le « printemps arabe » en général. Nous pensons que c’est un fiasco total dont nous n’avons pas fini de payer le prix. Par ailleurs, on n’aime pas du tout l’utilisation du mot « martyr » parce que nous honnissons la culture de la mort et nous célébrons le culte de la vie. Dernière observation, au sujet de l’ancien régime tunisien (1956-2011), l’auteur parle de « la terreur appliquée par les moyens de l’Etat » ! Il ne semble pas avoir connu la véritable terreur sous le totalitarisme communiste, ni celle qui sévissait au Maroc sous Hassen II, en Irak sous Saddam Hussein (même si la situation de ce pays est pire qu'auparavant), en Syrie sous Hafedh al-Assad et dans les monarchies du Golfe sous les roitelets. Loin d’être parfait, le régime tunisien était néanmoins le plus libéral, le plus moderniste, et le moins dictatorial de tous les pays arabes. Aujourd'hui, grâce à la révolution des ignorants, des imbéciles et des traîtres, la Tunisie est en tête des pays sous-développés, arriérés, théocratiques, et premier exportateur de terrorisme.  
Tunisie-Secret.com   

 
 


           


1.Posté par L'auteur le 06/09/2013 15:57
Aux lectrices & lecteurs:
Fe de Errata:
A la fin du paragraphe "L’action citoyenne dans la Cité", au lieu de lire: "En Bolivie cela s’appelle el mejor vivir". Il faudrait plutôt lire: "En Bolivie cela s’appelle el buen vivir".

Ou "le bien vivre": C'est effectivement l'expression philosophique et spirituelle des cultures plusieurs fois centenaires Aymara & Quetshua en Bolivie mais également au Pérou.

Merci de votre intérêt!
www.shaahidun.wordpress.com

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