A gauche Chedly Ayari, à droite Mustapha Kamel Nabli.
L’affaire est grave. Elle n’est pas grave seulement parce qu’elle pose la question de confiance dans les institutions publiques et de la probité des responsables publics, surtout dans un contexte de difficultés économiques pour le citoyen moyen. Elle est grave aussi parce qu’elle risque de remettre en cause le principe de l’indépendance de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), un acquis fondamental depuis la Révolution. Il fait partie des acquis démocratiques, en renforçant une moindre concentration du pouvoir.
En quoi consiste l’affaire ? Le Conseil d’Administration de la BCT nouvellement constitué depuis l’approbation de la nouvelle loi No 2016-35 d’Avril 2016 concernant cette institution a considéré, délibéré et approuvé le principe d’une augmentation énorme des salaires des plus hauts responsables : Gouverneur, Vice-Gouverneur et Secrétaire Général. Ces salaires auraient été multipliés par cinq ou plus. Ils dépasseraient de loin les salaires de presque tous les hauts responsables publics, y compris ceux du Président de la République et du Chef du Gouvernement, sans parler des Ministres ou des autres chefs d’organismes et autorités de régulation.
C’est au nom du principe d’indépendance de la BCT que cette loi a prévu que les rémunérations des hauts responsables de cette Institution seront fixées par le Conseil d’Administration (article 55). La composition de ce Conseil a été déterminée de manière à permettre le maximum d’indépendance par rapport à l’Exécutif.
Rappelons que l’indépendance de la Banque Centrale a pour objectif essentiel de permettre à cette institution de conduire la politique monétaire du pays sans interférence des intérêts politiques immédiats, qui ne sont pas nécessairement compatibles avec l’intérêt à moyen et long terme du pays en matière de stabilité monétaire et financière. L’autonomie de la BCT en termes de rémunération, comme le mandat fixe des hauts responsables, est destinée à protéger ces responsables de la pression politique.
Il est alors facile, et pour la plupart même évident, de conclure que l’effet immédiat, et peut être le seul concrètement, de ce statut d’indépendance de la BCT a été de permettre des augmentations exagérées, sinon irresponsables, de la rémunération de ses dirigeants. Il en découlerait presque automatiquement une remise en cause du principe d’indépendance de la BCT, qui est autrement plus fondamental que la rémunération des responsables.
Il est naturel que le Conseil d’Administration se saisisse de la question, comme prévu par la Loi, et de délibérer sur la rémunération des hauts responsables. Il est même compréhensible qu’il considère que ces rémunérations sont faibles, et de proposer de les ajuster. Il est à noter que d’après la loi le Conseil d’Administration délibère sur ces questions de rémunérations en l’absence des personnes concernées.
Mais la défaillance grave du Conseil est dans la manière dont il a posé le problème et répondu à ces questions. En effet les membres du Conseil auraient pris la rémunération des premiers responsables des banques publiques commerciales comme référence et jugé que les premiers responsables de la BCT doivent être rémunérés de manière similaire ou bien aussi avantageuse. En suivant cette logique les membres du Conseil d’Administration ont failli à leur rôle et montré un manque flagrant de jugement de la chose publique. Ils ont d’abord comparé la BCT à une institution commerciale (publique ou privée), ce qui constitue une erreur de taille. La BCT est avant tout une autorité monétaire publique, et ne peut en aucune manière être assimilée à une entreprise commerciale. Ensuite ils ont assimilé des responsables d’une autorité publique à des dirigeants d’une entreprise commerciale. Les hauts responsables de la BCT sont avant tout des responsables publics régis par les principes et les règles du secteur public. Ils peuvent se différencier, selon des critères et des modalités à déterminer, mais leur cadre de référence est clair. Ce principe doit continuer à s’appliquer même dans le cadre de l’indépendance de l’Institut d’Emission.
Cette erreur, cette faute, du Conseil d’Administration ne doit pas être utilisée pour remettre en question l’indépendance de la BCT, qui doit être maintenue et protégée. Mais cette faute doit être sanctionnée, afin de montrer qu’indépendance ne veut pas dire irresponsabilité et « non-accountability ». C’est dans ce cadre que je propose deux actions.
La première est la démission collective et immédiate de tout le Conseil d’Administration, qui a démontré une incapacité manifeste à apprécier judicieusement l’intérêt public.
La deuxième est que la Commission des Finances de l’ARP auditionne le plus tôt possible le Gouverneur et le Vice-Gouverneur à propos de cette affaire afin de déterminer leur rôle et responsabilités. D’ailleurs il est étonnant que l’ARP ne se soit pas déjà saisie de la question !
C’est à ce prix que l’on pourra consolider le principe de l’indépendance de la BCT tout en la protégeant des excès et abus.
C’est après une longue hésitation, que j’ai décidé en tant qu’ancien Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, de m’exprimer sur cette affaire. J’estime que je ne suis pas tenu par l’obligation de réserve pour une telle question d’intérêt public. Ma plus grande crainte est que cet évènement soit utilisé pour remettre en cause le principe de l’indépendance de la BCT. J’estime que c’est par des actions fortes contre les abus que l’on peut protéger la BCT et son indépendance. L’enjeu est d’importance !
Mustapha Kamel Nabli, Leaders du 14 août 2016.
Lien de notre article qui a dévoilé l’affaire :
http://www.tunisie-secret.com/Chedly-Ayari-l-incorrigible-escroc-de-la-BADEA-depouille-la-BCT_a1641.html
En quoi consiste l’affaire ? Le Conseil d’Administration de la BCT nouvellement constitué depuis l’approbation de la nouvelle loi No 2016-35 d’Avril 2016 concernant cette institution a considéré, délibéré et approuvé le principe d’une augmentation énorme des salaires des plus hauts responsables : Gouverneur, Vice-Gouverneur et Secrétaire Général. Ces salaires auraient été multipliés par cinq ou plus. Ils dépasseraient de loin les salaires de presque tous les hauts responsables publics, y compris ceux du Président de la République et du Chef du Gouvernement, sans parler des Ministres ou des autres chefs d’organismes et autorités de régulation.
C’est au nom du principe d’indépendance de la BCT que cette loi a prévu que les rémunérations des hauts responsables de cette Institution seront fixées par le Conseil d’Administration (article 55). La composition de ce Conseil a été déterminée de manière à permettre le maximum d’indépendance par rapport à l’Exécutif.
Rappelons que l’indépendance de la Banque Centrale a pour objectif essentiel de permettre à cette institution de conduire la politique monétaire du pays sans interférence des intérêts politiques immédiats, qui ne sont pas nécessairement compatibles avec l’intérêt à moyen et long terme du pays en matière de stabilité monétaire et financière. L’autonomie de la BCT en termes de rémunération, comme le mandat fixe des hauts responsables, est destinée à protéger ces responsables de la pression politique.
Il est alors facile, et pour la plupart même évident, de conclure que l’effet immédiat, et peut être le seul concrètement, de ce statut d’indépendance de la BCT a été de permettre des augmentations exagérées, sinon irresponsables, de la rémunération de ses dirigeants. Il en découlerait presque automatiquement une remise en cause du principe d’indépendance de la BCT, qui est autrement plus fondamental que la rémunération des responsables.
Il est naturel que le Conseil d’Administration se saisisse de la question, comme prévu par la Loi, et de délibérer sur la rémunération des hauts responsables. Il est même compréhensible qu’il considère que ces rémunérations sont faibles, et de proposer de les ajuster. Il est à noter que d’après la loi le Conseil d’Administration délibère sur ces questions de rémunérations en l’absence des personnes concernées.
Mais la défaillance grave du Conseil est dans la manière dont il a posé le problème et répondu à ces questions. En effet les membres du Conseil auraient pris la rémunération des premiers responsables des banques publiques commerciales comme référence et jugé que les premiers responsables de la BCT doivent être rémunérés de manière similaire ou bien aussi avantageuse. En suivant cette logique les membres du Conseil d’Administration ont failli à leur rôle et montré un manque flagrant de jugement de la chose publique. Ils ont d’abord comparé la BCT à une institution commerciale (publique ou privée), ce qui constitue une erreur de taille. La BCT est avant tout une autorité monétaire publique, et ne peut en aucune manière être assimilée à une entreprise commerciale. Ensuite ils ont assimilé des responsables d’une autorité publique à des dirigeants d’une entreprise commerciale. Les hauts responsables de la BCT sont avant tout des responsables publics régis par les principes et les règles du secteur public. Ils peuvent se différencier, selon des critères et des modalités à déterminer, mais leur cadre de référence est clair. Ce principe doit continuer à s’appliquer même dans le cadre de l’indépendance de l’Institut d’Emission.
Cette erreur, cette faute, du Conseil d’Administration ne doit pas être utilisée pour remettre en question l’indépendance de la BCT, qui doit être maintenue et protégée. Mais cette faute doit être sanctionnée, afin de montrer qu’indépendance ne veut pas dire irresponsabilité et « non-accountability ». C’est dans ce cadre que je propose deux actions.
La première est la démission collective et immédiate de tout le Conseil d’Administration, qui a démontré une incapacité manifeste à apprécier judicieusement l’intérêt public.
La deuxième est que la Commission des Finances de l’ARP auditionne le plus tôt possible le Gouverneur et le Vice-Gouverneur à propos de cette affaire afin de déterminer leur rôle et responsabilités. D’ailleurs il est étonnant que l’ARP ne se soit pas déjà saisie de la question !
C’est à ce prix que l’on pourra consolider le principe de l’indépendance de la BCT tout en la protégeant des excès et abus.
C’est après une longue hésitation, que j’ai décidé en tant qu’ancien Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, de m’exprimer sur cette affaire. J’estime que je ne suis pas tenu par l’obligation de réserve pour une telle question d’intérêt public. Ma plus grande crainte est que cet évènement soit utilisé pour remettre en cause le principe de l’indépendance de la BCT. J’estime que c’est par des actions fortes contre les abus que l’on peut protéger la BCT et son indépendance. L’enjeu est d’importance !
Mustapha Kamel Nabli, Leaders du 14 août 2016.
Lien de notre article qui a dévoilé l’affaire :
http://www.tunisie-secret.com/Chedly-Ayari-l-incorrigible-escroc-de-la-BADEA-depouille-la-BCT_a1641.html